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Cynefin 101 – Contexte Partagé et Construction de Sens

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La connaissance n'est pas déterminée avant l'expérience ; les concepts stratégiques et économiques pertinents n'attendent pas d'être découverts, mais le sont en marchant.

Robert Chia & Robin Holt, Strategy without Design.

Introduction

Le modèle Cynefin peut être utilisé de différentes manières : pour catégoriser, ce qui est utile à la mise en perspective ; pour contextualiser, ce qui est intéressant afin d'arrêter de différer et décider quoi faire, ainsi que dans une vision dynamique, pour expliquer où l'on est, où l'on veut être et le chemin à parcourir.

Dans le premier cas, vous avez une situation et vous utilisez seulement le modèle pour vous positionner dans les domaines et donc l'approche à adopter (agir, sentir, répondre, etc) la plus appropriée. Cet usage est intéressant pour ne pas rendre simpliste la situation et éviter de résoudre un problème non ordonné avec une approche ordonnée traditionnelle. C'est une situation spécifique, mais les exemples ci-dessous peuvent être utilisés pour définir le domaine où vous vous trouvez.

Dans le second cas, il est nécessaire de faire une pause et travailler sur la situation actuelle avec toutes les difficultés rencontrées. Vous aurez peut être à réfléchir à la trajectoire de l'entreprise, aux challenges d'un projet ou programme en cours ou à l'analyse d'une nouvelle initiative. Cela correspond à la construction d'une vision méta de la situation et, suivant les contraintes à gérer, accepter que tout n'est pas si simple.

Dans le dernier cas, il est nécessaire de déplacer une partie de l'organisation ou un groupe de personnes dans une direction, et vous pourriez utiliser la dynamique de Cynefin pour y arriver. Cela peut impliquer la suppression ou le relachement de contraintes pour vérifier si vous modifiez ou créer des comportements. C'est de la gestion de complexité facilitée1.

Dans cet article, nous explorerons le second cas, où il faut construire la signification d'une situation étant donné un nombre important de difficultés. C'est la situation classique où vous risquez de ne voir plus que les arbres et d'en oublier la forêt, et où il faut poser un jalon pour comprendre ce qui doit être fait.

C'est l'une des pratiques les plus utiles de Cynefin car il permet de construire un contexte et des enjeux partagés dans l'organisation. Ici, les données viennent avant le modèle et non l'inverse. Cela peut paraître déroutant à première vue, mais en pratique cela consiste à supprimer les contraintes pour ne pas biaiser le point de vue des acteurs, tout en ne dessinant pas le modèle avant que les domaines, et surtout les frontières, ne se développent dans le cadre du processus. Même si le Cynefin peut être utilisé pour catégoriser, comme dit plus haut, sa vraie valeur est son usage pour développer un modèle qui marque le contexte et l'unicité de chaque organisation.

Toutes les pratiques de Cynefin sont participatives par nature et impliquent directement les membres de l'organisation et non des tiers, ce qui garantit l'absence de désintermédiation. Les conclusions proviennent du dialogue et il n'y a pas d'idées "sortie du chapeau".

Cela en fait l'une des pratiques les plus difficiles à comprendre et avec les meilleurs retours. Cet article va la mettre en lumière et fournir quelques guides de mise en oeuvre. C'est un processus largement facilité, ce qui signifie que le processus est expliqué, puis que les participants sont vraiment libres, ce qui accroît le partage de connaissance. Le facilitateur doit surtout s'assurer que les personnes apprennent en faisant, et proposer le moins d'aide possible pour garantir que les propos sont ceux des personnes. De plus, il n'est pas nécessaire d'expliquer Cynefin en détail au début, juste quelques principes. Cela peut se raccrocher aux pratiques présentées dans le second article expliquant la manière de définir et raffiner les actions.

Contextualisation

Cette pratique permet de développer une compréhension partagée des difficultés qu'un projet, programme ou organisation affronte, et de donner du sens à ce qui se passe. Le processus est participatif par nature, ce qui signifie que les participants développent les visions et que l'approche permet de travailler les trois logiques :

  • Déductive – nous avons un nombre conséquent d'exemples et nous pensons en faire une généralité.
  • Inductive – nous avons quelques cas et pensons les généraliser.
  • Abductive – nous avons une intuition et pensons que c'est le cas.

La plupart des gens ont l'habitude des deux premières logiques car elles font partie de l'enseignement scolaire, mais peu sont familiers de la dernière. La première est généralement admise comme principe de logique pure en allant de A à B, c'est-à-dire en allant du général au spécifique et en le validant. La seconde correspond au raisonnement par étude de cas, allant du spécifique vers le général. La dernière est parfois appelée "science de l'intuition" et généralement les grandes avancées scientifiques prennent ce chemin.

La paternité du terme est attribué au philosophe et pragmaticien américain Charles Sanders Peirce qui introduisit d'abord le terme "deviner" (guess). Le terme provient du latin ab (arrière) et duct (conduire), d'où un sens proche d'aller à rebours. C'est quelque chose que les êtres humains ont du mal à faire et il faut du lâcher prise avant d'embrasser le principe. Klein, dans ses écrits sur le pouvoir de l'intuition à lire 2, explore la manière dont nous l'utilisons sur le lieu de travail. Tout ne se construit pas sur des réflexions sous-jacentes à Cynefin.

La plupart des tiers peuvent appliquer les raisonnements inductifs ou déductifs à un problème, mais la logique abductive implique une vraie compréhension du domaine. C'est pourquoi la nature participative de Cynefin est importante en exploitant la connaissance et les perceptions des personnes faisant partie de l'organisation. Elles ont acquis cette connaissance approfondie au fil du temps.

Cela concerne également la connaissance tacite et explicite, ou comme le dit Polanyi : "Nous en savons plus que nous pouvons en dire", et c'est l'implication dans l'exercice qui permet d'accéder à cette connaissance tacite. Par définition, cela signifie que toute approche tentant de tirer ou d'accéder à cette connaissance par des questions est limitée car supposant que vous connaissez les questions. C'est finalement une situation de double contrainte ; si je connaissais les questions, ne pensez-vous pas que nous saurions quoi faire ? Dès lors, ne cherchez pas à poser trop de contraintes, et si d'autres difficultés apparaissent durant l'atelier, elles devraient également être incluses.

Veuillez noter que quand nous parlons de désordre, nous devons reconnaître que nous faisons une erreur ontologique, mais c'est là où nous sommes le plus souvent. C'est un état apocryphe et l'intérêt du "sense making" (pratiques développées par Dave Snowden, NdT) est de développer une compréhension sur la manière de sortir de cet état, mais étant en évolution, nous devons aussi comprendre que nous n'atteindrons jamais un état vraiment authentique. Ceci existe dans tous les domaines de Cynefin, les frontières n'étant pas des murs. De plus, il faut noter que Cynefin est un framework d'émergence dynamique de sens. Je remercie Mika Latokartano pour m'avoir montré la voie.

Contexte Partagé

Note sur la contextualisation linéaire et le Value Stream Mapping (VSM) – une des difficultés que je rencontre avec le VSM est qu'il permet d'optimiser un processus existant, et dès lors, se concentre sur la question du faire bien et non sur celle du faire la bonne chose. L'alternative que je préfère est celle de la Contextualisation Linéaire où nous commençons par la perspective client et remontons les étapes pour définir ce qu'il faudrait faire. L'avantage par rapport au VSM est de permettre la transformation du processus en le formalisant. Cette idée provient de Mike Burrows.

Un contexte partagé se construit par de la contextualisation ; ceci consiste à définir les difficultés existantes dans un environnement et leurs liens. Nous utilisons Cynefin ici pour développer la compréhension des difficultés dont nous supposons qu'elles sont largement connues, il pourrait même y en avoir une liste dont vous chercheriez à faire sens. Un point important est que je déconseille l'utilisation du brainstorming car cela contraint les gens (en cas de doute, lisez Klein). Si vous n'avez pas le temps, demandez aux personnes de préparer en avance et d'apporter leur liste de difficultés. Vous pouvez aussi envisager un exercice de narration (je vous renvoie à l'article sur les narrations participatives pour cela) pour la définir durant l'atelier.

Rappelez-vous que la diversité et la naïveté sont des points clés de Cynefin. Il est donc préférable d'amener d'autres parties prenantes pour apporter une autre perspective. Si vous travaillez au niveau d'un département, demandez aux personnes que vous considérez comme vos clients ou fournisseurs, ceux qui dépendent de vous et ceux dont vous dépendez pour être sûr d'avoir une vision holistique. Vous voudrez peut-être rester entre interne pour éviter "de laver votre linge sale en public", mais si c'est le cas, essayez de trouver des personnes qui pourront jouer leur rôle.

La taille idéale du groupe est de 7 à 123. Klein signale que 12 est une taille permettant encore aux personnes de s'exprimer confortablement. De même, des groupes plus petits ne permettent pas d'avoir une diversité suffisante de points de vue, évitez donc d'avoir moins de 7 personnes par groupe. Si le groupe est plus grand, cherchez à le découper en plus petits. Vous n'avez pas à vous inquiéter de la diversité dans ces groupes, celle-ci apparaissant de facto lors du partage des interprétations de chaque groupe.

Il existe trois approches pour développer la contextualisation - quatre tables, quatre coins ou linéaire. De toute, je préfère les quatre coins qui débute avec une grande feuille de papier vierge, ou un mur si nécessaire. Pour un groupe de 10, comptez une feuille en A0. N'essayez pas de créer un A0 à partir de quatre A3, à moins de n'avoir vraiment d'autres options, car cela forme des frontières et les acteurs les utiliseront inconsciemment en plaçant les difficultés sur le papier.

Dans chacun des quatre coins, vous placez un exemple typique (sous la forme d'une narration) de chacun des quatre domaines du modèle Cynefin :

  • Evident – déjà vu avant et vous savez quoi faire.
  • Compliqué – quelqu'un pourrait le faire après analyse.
  • Complexe4 – y a-t-il des hypothèses contradictoires sur ce qui se passe.
  • Chaos – pas de structure et tout est chaotique par nature.

Rappelez-vous qu'il y a un cinquième domaine appelé "désordre" où vous pouvez mettre les éléments que vous ne savez pas placer. Il est au centre de la feuille. Le schéma dessous montre à quoi cela ressemble :

Le processus consiste à rédiger les difficultés sur des morceaux de papier, puis à les répartir un à la fois sur la grande feuille relativement aux domaines. Cela signifie qu'il n'y a pas de bonne ou mauvaise position, le placement dépendant de la perception de l'individu par rapport aux axes. Par exemple, ce n'est pas tout à fait évident, mais avec un peu d'analyse, je suis certain que nous pouvons trouver une réponse, donc cela correspond à 2/3 du chemin du haut vers le bas à droite. Rappelez-vous que la question n'est pas la position par rapport à deux, mais aux quatre coins. Vous aurez peut-être à le rappeler au début et jusqu'à ce que cela soit intégré (regardez le groupe et n'intervenez pas si ce n'est pas compromettant).

Nous sous-entendons une pratique connexe ici, car tout en développant une compréhension partagée des difficultés rencontrées, nous travaillons aussi à l'émergence d'idées qui pourraient orienter la direction à prendre collectivement5. Ce sont les épiphanies, la prise de conscience où toutes les pièces s'assemblent. C'est pourquoi l'engagement des individus est requise, car c'est eux qui ont la compréhension profonde par leur immersion dans ce qui se produit et sont donc capables d'avoir ces perceptions. Peu de consultants auront ce niveau de connaissance opérationnel de l'organisation et n'auront certainement pas une compréhension fine de son contexte. Comme l'approche est participative par nature, l'adoption des idées sera plus facile car ayant impliqué les personnes dans leur développement et affinement. Le processus se résume avec les étapes suivantes :

Posez les difficultés sur le mur d'après le lien avec les types. Ce n'est pas une position absolue mais plus l'endroit où elle se place en regard avec les cas typiques. J'insiste vraiment sur ce positionnement relatif qui ne permet pas à quelqu'un de mettre un post-it dans le coin tout à droite parce que c'est évident. Rien n'est jamais aussi simple que vous le pensez et il pourrait y avoir des complications. Et dès lors, vous voudrez le voir un peu plus haut pour l'indiquer.

Quand toutes les difficultés sont en place, vous pouvez dessiner les frontières des domaines, définies par la position des difficultés. Idéalement, faites-le avec un ruban qui se déplace jusqu'à ce que les personnes soient contentes (rappelez-vous du cinquième domaine pouvant contenir des difficultés qui ne sont pas encore en place).

S'il n'y a pas d'accord sur la place d'une difficulté qui est à cheval entre deux domaines ou plus, demandez au groupe s'il est possible de la couper pour que chaque nouvelle difficulté soit dans un seul domaine. Le résultat est un ensemble de difficultés contextualisées sur lesquelles vous pouvez commencer à travailler. Restez à l'écoute, des idées pouvant apparaître dans l'atelier du fait de la logique abductive.

Chaque business est unique, dès lors la ou les solutions qui ont marché pour une autre organisation ne seront pas les bonnes dans ce contexte. C'est le vieux proverbe, si j'ai un marteau tout ressemble à un clou, donc prenez garde aux gens qui ont des patches ou pensent avoir une réponse qui a déjà marché dans leur ancien travail ou ailleurs.

La phase suivante est le développement d'une série d'initiatives qui commencent à traiter les difficultés principales identifiées, utilisant les idées ayant émergé durant l'atelier 6. Rappelez-vous qu'il n'y a pas toujours une justification poussée pour une idée mais tant que l'argumentation est cohérente, elle doit être regardée. Cette approche sur les initiatives et leur traitement fera l'objet d'un second article. Il traite de l'usage des portefeuilles et des désaccords ritualisés pour analyser et formaliser ces initiatives.

Commentaires de fin

Vous pouvez utiliser ces techniques pour orienter et faire émerger une stratégie, le démarrage d'un projet, ou la construction d'une équipe et voulez accélerer la prise en masse en développant un contexte partagé et assurer un alignement sur l'objectif. L'approche par la contextualisation linéaire est aussi utile si vous avez besoin de revoir vos workflows et avez besoin d'une alternative au processus de Value Stream Mapping.

La technique se déploit à grande échelle et il n'y a pas de raison de s'arrêter à 20 ou 30 personnes. Il est possible de la dérouler pour un département, une organisation et d'impliquer des groupes importants permettant des discussions intéressantes.

Note : ces pratiques sont la propriété de Cognitive Edge et sont couvertes par l'accord d'utilisation suivant - http://cognitive-edge.com/about/user-agreement (en). En tant que membre enregistré du Cognitive Edge Network, elles peuvent être utilisées à titre personnel, ou au sein d'une organisation. Mais en cas de commercialisation, vous avez besoin d'un "droit d'utilisation de la licence" qui s'obtient en devenant membre premium du réseau - voir http://cognitive-edge.com/main/ (en).

Ressources

Les post-its hexagonaux sont disponibles sur - http://www.logovisual.com/shop/lvt-products/hexagon-sticky-notes/ - préférez les petits. Ils ont deux bandes adhésives et sont mieux que ceux n'en ayant qu'une, car ils tiennent plus longtemps et mieux. Cognitive Edge en propose aussi, mais vous pouvez utilisez des post-its classiques.

Références.

  1. Robert Chia & Robin Holt, Strategy without Design: The Silent Efficacy of Indirect Action, 2009
  2. Gary Klein, The Power of Intuition: How to Use Your Gut Feelings to Make Better Decisions at Work, 2004
  3. Nancy Kline, Time to Think: Listening to Ignite the Human Mind, 1999
  4. Michael Polanyi, The Tacit Dimension, 1966

A propos de l'Auteur

Greg Brougham est un architecte technique et système expérimenté spécialisé dans les systèmes de paiements et de cartes. Il a travaillé sur le renouvellement du principal système de remboursement et d'installation sur le marché GB et des systèmes proches pour une des entreprises principales de cartes de crédit. C'est en travaillant sur ce dernier mi 2000 qu'il a pensé qu'il devait y avoir des manières plus efficientes de livrer que les approches classiques ne s'intéressant qu'à l'utilisation. Cela se traduisit par une revue de la litérature de management orthodoxe et un intérêt pour la Théorie des contraintes, la pensée systémique, Toyota et plus récemment la complexité (en particulier Cynefin) et les sciences cognitives.


1 Ceci mène à ABIDE (Attractors; Barriers; Identities; Dissent/Disrupt; Environment) qui est l'approche du management dans Cynefin .

2 Une discussion sur l'intuition se trouve dans le livre des frères Heath, Decisive. Ils font référence au travail de Hogart et note que le développement n'est potentiel qu'avec un environnement favorisant l'apprentissage.

3 Jeff Sutherland dans son dernier livre pose une taille allant de 5 à 9, mais c'est un autre contexte. Il regarde surtout la taille minimale permettant de disposer de toutes les compétences requises.

4 Le texte original est “nous n'avions pas d'idées mais avec le recul ce qui se passait tenait de l'évidence” mais j'ai remarqué que Dave Snowden l'a changé dans le commentaire d'un article de blog, trouvant que le nouveau texte est plus signifiant car se concentrant sur le maintenant et non sur le passé.

5 La direction n'est pas la stratégie. La stratégie est le sens qui donne l'orientation, la direction et l'objectif à atteindre.

6 Soyez certains de bien conserver les cartes car elles vont nourrir les autres initiatives. Une fois, nous concluions un atelier en discutant des initiatives, quand en me retournant, j'ai vu un des directeurs de programmes enlever et regrouper les post-its du mur. Heureusement, je les avais pris en photo !

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