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La Voix du Coach - Jean-Hugues Congia

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La voix du Coach

A l'heure du digital et de l'Agile à l'échelle de l'entreprise, les offres pour accompagner les équipes et organisations dans ces mutations se multiplient, et la transition reste toujours délicate et longue. Pour démêler les discours, InfoQ FR propose un panorama hétéroclite de ces accompagnants de l'agilité, souvent appelés "coachs", pour donner une voix à ce "métier", et aussi un visage, des pratiques, des modes d'agir dans les organisations.

Cette série propose la vision de coachs français sur leur définition du coaching, leur parcours, leurs réussites et échecs, ainsi que des conseils et éléments de réflexion actuels.

Jean-Hugues Congia

Associé chez AgilBee eXcellency. Dirigeant d'Arcileo et cabinets Jean Mouton Conseil, qui travaille une matière première très délicate : l’état d’esprit.

 

InfoQ FR : Pourriez-vous vous présenter et expliquer à nos lecteurs votre définition de votre métier ?

Jean-Hugues Congia : Je suis sensible à la mise en garde d’Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde ». Alors vous me permettrez d’utiliser le néologisme « facilipasseur ».

Je suis un facilitateur, c’est-à-dire que j’anime des ateliers où il s’agit de maximiser l’utilisation du potentiel de chaque participant. Je suis principalement un passeur. J’aide les gens et les organisations à franchir la frontière d’un autre état d’esprit.

Nous avons tendance à nous enfermer dans la caverne de Platon, à accepter selon les époques des certitudes qui ne sont en fait que des constructions : « il n’y a pas d’alternative », « si ça ne marche pas, c’est parce que nous devons faire plus que ce qui pour le moment n’a pas marché », « si la théorie n’est pas vérifiée par les faits, alors peu importe les faits », etc. Etre passeur, c’est aider les gens et les organisations à dépasser ces certitudes pour aller en territoire inconnu. L’agilité est un de ces territoires.

InfoQ FR : Pourriez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a mené à votre pratique actuelle ?

Jean-Hugues Congia : J’ai passé 18 ans dans le service informatique, avec une double casquette d'architecte en système d'information et de chef de projet. Automaticien de formation, j’ai beaucoup travaillé sur les architectures monétiques sécurisées et les automates à état finis.

Début 2000, j’ai commencé à m'intéresser à l'agilité et à la sociologie. J’ai réalisé que les projets tentaculaires sur lesquels j’intervenais m’empêchaient de faire ce que j’appréciais intellectuellement le plus : apprendre.

J’ai quitté en 2005 la prestation de service pour intégrer une grande compagnie d’assurance en tant qu’architecte sur des projets très structurants comme l’archivage fiscal ou la mutualisation du back-office de quatre marques d’assurance vie. Donc toujours peu de temps pour apprendre autre chose que de la technique informatique...

Et j’ai rencontré en 2009 un passeur extraordinaire, Jean Mouton, l’auteur du Marketing du Désir et de la boîte à outils de la négociation. Un être d’esprit. Mon mentor et un ami très cher. Alors j’ai décidé de devenir moi-même un passeur.

InfoQ FR : Concrètement, comment se traduit votre métier au quotidien ? Qu'est-ce que vous faites ?

Jean-Hugues Congia : De la facilitation, de la formation, du coaching, agile ou pas, des profils de préférences cérébrales, de la stratégie, de la construction d’équipes, de la construction de bases de connaissances, du prosélytisme agile, et bien d’autres activités qui ont en commun d’opérer une transformation, à plus ou moins grande échelle, et en utilisant comme levier le désir, et en aucun cas l’injonction.

On doit à Theodosius Dobzhansky l’observation suivante : « En changeant ce qu’il connaît du monde, l’homme change le monde qu’il connaît. En changeant le monde dans lequel il vit, l’homme se change lui-même. ». Le passeur que je suis s’efforce au quotidien de faire émerger une nouvelle vision des choses, créatrice de connaissances et de transformations.

Je m’occupe en fait beaucoup moins du déploiement d’un cadre méthodologique dans les équipes que de la généralisation de l’agilité en tant qu’état d’esprit dans les entreprises.

InfoQ FR : Quelles sont vos sources d’inspiration et de formation ?

Jean-Hugues Congia : La lecture, la photographie, la musique, et tellement de choses...

J’ai commencé par les certifications CSM et CSPO. Jean Mouton m’a initié à la logique de communication de Palo Alto, au Marketing du Désir, à la négociation intégrative et à d’innombrables grilles de lecture. J’ai passé les deux niveaux de certification du modèle de préférences cérébrales de Ned Herrmann, le HBDI, puis je me suis intéressé aux Innovation Games. Et en 2014, les deux admirables passeurs que sont Marie Dupont et Jean Semo d’AVEA Partners m’ont enseigné la facilitation LEGO SERIOUS PLAY, dont je suis depuis un inconditionnel. En ce moment, j’étudie l’exploration positive et les outils de transformation culturelle de Richard Barrett.

InfoQ FR : Pour vous, quelle est la partie la plus intéressante de ce que vous faites ?

Jean-Hugues Congia : Le court instant d’éternité où l’on perçoit distinctement que celui ou ceux que vous accompagnez viennent d’établir de nouvelles connexions neuronales. Un changement d’état d’esprit en direct. Archimède dirait : Eurêka.

Cette magie arrive parfois lors du débriefing d’un profil HBDI et presque systématiquement lors d’un atelier LEGO SERIOUS PLAY, qui est l’outil idéal pour ce genre d’émergence.

InfoQ FR : A l'inverse, qu'est-ce qui vous paraît compliqué dans la posture du coach ?

Jean-Hugues Congia : Un facilipasseur opère en permanence sur deux registres très dissociés. D’une part, la force, qui est utilisée avec bienveillance pour cadrer strictement les choses, en particulier les règles et le périmètre. D’autre part, l’écoute. Prendre l’initiative d’une prescription ou d’une reformulation équivaut à outrepasser sa prérogative : l’induction. Ce n’est pas une posture naturelle.

Les travaux du Mental Research Institute de Palo Alto sur la logique de la communication ont mis en évidence qu’on ne peut pas ne pas communiquer. Vous connaissez peut-être l’histoire d’Hans le malin, ce cheval qui au début du siècle dernier a enthousiasmé la communauté scientifique par son intelligence supérieure. En fait, Hans était simplement très sensible aux variations inconscientes d’attitude de son public quand on lui proposait la bonne réponse. Le facilipasseur est comme le public de Hans. Il réagit inévitablement et inconsciemment, avec le risque de se mettre dans l’action, alors qu’il doit rester à distance.

InfoQ FR : Quelles sont vos plus belles réussites en tant que coach ?

Jean-Hugues Congia : Le coach n’est que le catalyseur d’une réaction à laquelle il ne participe pas vraiment, puis qu’il ne fait pas lui-même. Alors je me réjouis sans la revendiquer de la réussite de tous ceux que j’accompagne.

InfoQ FR : Quels sont vos plus criants échecs ? Qu'en avez-vous appris ?

Jean-Hugues Congia : J’ai fait mienne la recommandation de Napoléon selon laquelle : « Dans tout ce qu'on entreprend, il faut donner les deux tiers à la raison, et l'autre tiers au hasard. Augmentez la première fraction, et vous serez pusillanime. Augmentez la seconde, vous serez téméraire ».

J’ai peiné sur mes premières missions et rapidement compris que naviguer à vue est une tentation dangereuse pour un esprit créatif. Alors je construis toujours mes accompagnements sur une démarche empirique, agile. La trajectoire est conçue méticuleusement en fonction de l’objectif et d’une exploration initiale (souvent un profil de préférences cérébrales), puis ajustée périodiquement.

Cette façon de procéder évite d’en arriver à l’échec criant. Au pire, la mission se termine prématurément s’il s’avère qu’elle ne va pas produire les effets escomptés. Avec l’expérience, on voit très tôt les difficultés futures.

InfoQ FR : Comment percevez-vous le déploiement de l'Agile dans les organisations françaises ?

Jean-Hugues Congia : Le mot agile a été retenu par les auteurs du manifeste éponyme parce qu’il traduit bien l’idée d’une adaptation continue au changement.

Quand Napoléon communique incessamment avec ses maréchaux, c’est pour permettre à chacun une lecture d’ensemble de l’évolution de la bataille, donner du sens à l’action, témoigner de la reconnaissance à chaque corps d’armée, chaque division, chaque bataillon. C’est un état d’esprit partagé par le stratège et tous les échelons de son armée, visant à ajuster la tactique en continu.

Dans notre monde impatient et pétri de certitudes, beaucoup d’organisations veulent aller rapidement vers un résultat, et l’adoption de l’agilité se résume souvent à la mise en œuvre d’un cadre comme SCRUM et/ou d’un outillage. Du coup, une partie de la structure ne se sent pas concernée, en général son sommet, et la transformation reste partielle quand elle ne fait pas long feu.

Mais les choses évoluent, surtout dans les PME.

InfoQ FR : Comment analysez-vous le développement du coaching agile sur les dernières années ?

Jean-Hugues Congia : Il me semble que ce développement s’est fait essentiellement sur la méthode et les outils, parce que la demande était et est encore forte. Je crois qu’il reste un gros travail à faire sur le management agile et l’entreprise apprenante qui sont les niveaux supérieurs de l’agilité en tant qu’état d’esprit. C’est la raison qui m’a conduit à rejoindre Patrice Petit et Nicolas Delahaye pour créer AgilBee eXcellency et essayer de faire bouger les choses.

InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent se lancer, par où leur conseilleriez-vous de commencer ?

Jean-Hugues Congia : Par un profil de préférences cérébrales. Les miroirs se trouvent partout, mais ne nous restituent que notre nous extérieur. Un profil donne le reflet des appétences ou des désaffections de notre nous intérieur. Il est essentiel de se comprendre soi-même avant d’aller conseiller les autres.

La suite est une affaire de persévérance. Le neurologue Bernard Croisile estime qu’il faut dix ans pour former la mémoire d’un expert...

InfoQ FR : Quelles sont les tendances qui vous ont étonné récemment et que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?

Jean-Hugues Congia : Le LEGO est à la mode. Je m’en réjouis parce que son champ d’application dans l’agilité en particulier et dans l’entreprise en général est immense, et que je pense qu’il est urgent que notre monde retrouve la curiosité et le goût de la découverte des enfants.

J’espère que vos lecteurs vont s’intéresser au LEGO SERIOUS PLAY et qu’il va suivre le même engouement. Fondamentalement, il ne s’agit pas de faire des constructions figuratives, mais des métaphores. Les briques deviennent un langage !

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