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The Lean Mindset - Entretien avec ses auteurs, Mary et Tom Poppendieck

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The Lean Mindset est un ensemble de résultats de recherche et d'études de cas sur des entreprises appliquant le Lean dans le développement et la livraison de produit. Un état d'esprit lean, d'après Mary et Tom Poppendieck, consiste à "développer l'expertise de poser les bonnes questions, résoudre les bons problèmes, et faire la bonne chose dans la situation qu'on a entre les mains".

InfoQ a interviewé Mary et Tom à propos de l'amélioration de la conception et de la livraison d'un produit à l'aide de modèles mentaux, de récompenses et de réciprocité, d'investissement dans les employés et de satisfaction client.

InfoQ : Votre livre, The Lean Mindset, détaille un modèle mental décrivant comment concevoir et livrer d'excellents produits qui ravissent les clients. Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par cela ?

Mary & Tom : Le succès d'une entreprise dépend de ses clients - s'il n'y a pas de client, il n'y aura probablement pas d'entreprise. Créer des produits et des services qui attirent les clients n'a jamais été simple, mais c'est peut-être plus dur aujourd'hui que ça ne l'a jamais été. La technologie nous a apporté un monde de clients bien renseignés, de produits complexes, et une pénurie de travailleurs éclairés et dévoués, nécessaires à concevoir et délivrer de bons produits. Pour prospérer dans ce marché en constante évolution, les entreprises doivent devenir plus réfléchies dans la façon dont elles conçoivent leurs produits et services.

Devenir plus réfléchi signifie repenser le fonctionnement de l'entreprise - la façon dont les gens travaillent. Malheureusement, beaucoup de sociétés suivent encore des fonctionnements conçus il y a un siècle pour du travail manuel, des produits mécaniques, et des marchés locaux. Ce n'est pas le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, et ces fonctionnements ne sont plus vraiment efficaces.

The Lean Mindset présente une manière différente de réfléchir à la façon dont les entreprises travaillent. Il se base sur l'hypothèse que les entreprises les plus prospères sont celles dont les employés s'investissent corps et âmes et qui concentrent leur créativité sur le ravissement des clients. Cela sera d'autant plus efficace dans un contexte où l'objectif est primordial, les produits bien conçus, et où les travailleurs pensent par eux-mêmes.

Un état d'esprit lean n'est pas un ensemble de règles, mais une manière de réfléchir à ce qui peut - un modèle mental pour - motiver les employés, à la raison pour laquelle les clients achètent les produits, à la vraie signification d'efficacité, et à la raison pour laquelle une perspective sur le long terme est essentielle. C'est un état d'esprit qui paraît contre-intuitif quand on le compare aux fonctionnements traditionnels, mais que l'on retrouve communément dans les entreprises les plus prospères.

InfoQ : Pouvez-vous expliquer certains des problèmes que de nombreuses entreprises rencontrent avec les récompenses ?

Mary & Tom : Toutes les entreprises utilisent les récompenses pour diriger la façon dont les décisions sont prises, et les personnes réagissent fortement aux récompenses qu'elles obtiennent dans leur environnement de travail. Dans les cultures saines, les récompenses délivrent le message : "Nous vous faisons confiance pour faire du bon travail pour que l'entreprise puisse atteindre ses objectifs et que vous puissiez être fiers de votre contribution". Mais trop souvent, elles communiquent un message tout autre : "Nous savons que votre objectif est de poursuivre vos propres intérêts, donc nous vous récompensons pour être sûrs qu'il est dans votre intérêt de vous concentrer sur ce qui est bon pour l'entreprise". Ces deux messages représentent deux visions très différentes de ce qui motive les gens. Elles en reviennent toujours au traditionnel débat Théorie X contre Théorie Y. La Théorie X stipule que les gens sont fondamentalement feignants et qu'ils ont besoin d'être soudoyés pour travailler dur, tandis que la Théorie Y soutient que la plupart des gens veulent faire du bon travail et aider leur entreprise à prospérer.

Un bon moyen de transmettre la Théorie Y est d'utiliser des récompenses comme des stock options. Un bon moyen de communiquer le message de la Théorie X est de donner des primes individuelles, qui signifient : "Nous n'attendons pas vraiment de vous que vous travailliez dur, à moins que vous soyez payés en supplément pour le faire". Lorsque l'on y réfléchit, c'est un message plutôt insultant pour les personnes qui veulent juste faire du bon travail.

Une étude sur la motivation a démontré que les primes individuelles ne fonctionnent pas pour les métiers qui nécessitent de la collaboration. Cela paraît évident : pensez à une équipe de baseball - si chaque membre de l'équipe reçoit un gros bonus à chaque fois qu'il marque, le score total de l'équipe va chuter car les joueurs vont se concentrer sur le fait de marquer plutôt que de placer la balle pour qu'un autre puisse marquer plus facilement. L'étude montre aussi que l'usage de récompenses n'est pas une bonne idée pour les métiers nécessitant des compétences intellectuelles (plutôt que des compétences mécaniques) : en fait, pour des tâches impliquant la créativité, les plus grandes récompenses mènent souvent aux plus faibles performances.

Pourquoi cela ? Pourquoi les récompenses dégradent-elles les performances de ceux qui font un travail intellectuel ? Une des raisons pourrait être le fait que les récompenses extrinsèques piétinnent souvent les récompenses intrinsèques. Par exemple, les enfants qui aiment lire liront moins s'ils sont payés pour le faire. Quand un travail est enrichissant par lui-même - et les travaux intellectuels peuvent être très enrichissants, ajouter des récompenses extérieures fait disparaître la motivation inhérente à la tâche. De ce fait, les employés qui aiment leur travail vont progressivement perdre leur passion si les primes la font disparaître.

Une autre étude montre que l'injustice démotive plus vite que l'argent ne motive. Alors, si un système de prime est perçu comme injuste par un des employés qui l'affecte, il va probablement diminuer ses performances et peut-être même conduire à un comportement individualiste. Le problème est que concevoir un système de primes que tout le monde trouve juste est presque impossible - en particulier quand un travail intellectuel ou de la collaboration sont impliqués. Les managers qui créent ces systèmes trouvent que cela prend beaucoup de temps mais, à la fin, il y a toujours des gens qui estiment que le système n'est pas juste.

Vous ne pouvez pas acheter les coeurs et les opinions, vous devez inspirer les gens. C'est pourquoi les entreprises dont l'objectif est motivant ont un avantage certain pour attirer les plus brillants travailleurs. Et après les avoir attirés, ils ne perdent pas leur temps à remplacer leur motivation par des récompenses - quel gâchis cela serait !

InfoQ : Pourquoi la réciprocité - bien traiter ses employés pousse les employés à bien traiter leur entreprise - tend-elle à mieux fonctionner que les récompenses ?

Mary & Tom : En 2001, tous les avions des Etats-Unis arrêtèrent de voler pendant trois jours et, pendant des mois, les gens avaient peur de les prendre. Toutes les compagnies aériennes sauf une licencièrent des employés. L'exception - Southwest Airlines - ne considéra pas l'option de licencier des employés. Ils déclarèrent : "Comment ça, nous séparer de nos atouts les plus importants ? Pourquoi ferions-nous cela ?". Les employés de Southwest savent qu'ils font partie de la famille de l'entreprise et qu'ils n'en seront pas ejectés lorsque, sans qu'ils aient fait la moindre erreur, l'entreprise vit des moments difficiles. En 2001, les employés reconnaissants travaillèrent dur pour aider leur entreprise à maintenir ses profits et qu'elle puisse continuer à se permettre de les payer. Southwest revint à une stabilité financière bien plus rapidement que les autres compagnies.

Un autre mot important commençant par "R", en plus de "Réciprocité", est "Respect". Quand les sociétés (comme Southwest) montrent qu'elles respectent leurs employés, qu'elles les traitent en adultes, qu'elles les aident à atteindre leur plus haut potentiel, qu'elles les entraînent à résoudre les problèmes, cela rend possible le fait que les employés tirent de la fierté de leur emploi. Comparez les employés qui sont traités avec respect et ceux qui courent après les récompenses (oui, nous insinuons que les récompenses constituent un manque de respect). Quel groupe, pensez-vous, atteindra les meilleures performances - toujours sur le long terme ?

Netflix n'engage que des "adultes complètement formés" et les traite avec respect. La société ne s'embête pas avec des évaluations de rendement, des politiques de vacances ou des politiques de dépenses. Elle attend simplement de ses employés qu'ils agissent dans son intérêt. Cela ne fonctionne pas seulement bien, cela prend considérablement moins de temps et d'énergie que d'administrer un système de primes individuelles.

InfoQ : Vous avez déclaré que la réciprocité stimule la coopération. Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?

Mary & Tom : La réciprocité et la coopération sont deux faces de la même pièce, elles consistent toutes deux en de l'entraide entre les gens. Dans le dernier Harvard Business Review (Janvier-Février 2014), Teresa Amabile et ses co-auteurs publièrent l'article "La culture de l'aide d'IDEO". Dans celui-ci, ils expliquent comment IDEO attribue son incroyable succès à un trait culturel de l'entreprise - "les collègues supportent les efforts les uns des autres pour réaliser le meilleur travail possible". Dans cet article, Amabile précise : "Au quotidien, la récompense de l'aide vient de la gratitude qu'elle produit et de la reconnaissance de sa valeur". Cela fonctionne dans les deux sens : la coopération stimule la réciprocité et la réciprocité stimule la coopération.

InfoQ : Dans votre livre, vous mentionnez plusieurs exemples dans lesquels l'investissement dans les employés rapporte. Pourquoi est-ce le cas, et comment les entreprises peuvent-elles investir dans leurs employés ?

Mary & Tom : Commençons par expliquer pourquoi les entreprises devraient investir dans leurs employés. Les produits d'aujourd'hui sont complexes, que nous parlions d'un hôpital rempli d'appareils médicaux haute technologie, de larges systèmes logiciels ou de téléphones mobiles capables d'appeler du Brésil à Londres à faible coût tout en surfant sur le net. Ces types de produits nécessitent des employés intelligents, qui se tiennent au fait des dernières tendances dans leurs domaines et qui collaborent facilement avec les experts d'autres domaines. Si vous n'avez pas d'employés intelligents, vous serez rapidement hors course. Investir pour aider ces employés intelligents à atteindre leur plus haut potentiel est le meilleur moyen de réussir sur le long terme pour des chefs d'entreprise avisés. Vous ne pouvez pas acheter des employés dévoués, vous devez les attirer dans votre entreprise, développer leurs capacités, et les inspirer à faire de leur mieux pour aider à rendre l'entreprise prospère.

Voici un exemple : toujours dans le Harvard Business Review cité plus haut, il y a un article à propos d'Envision, une société Chinoise fondée en 2007 pour "aider à résoudre les défis d'un avenir durable pour l'humanité". Envision a choisi d'être compétitive sur la technologie plutôt que sur le coût du travail. Le fondateur, Lei Zhang, savait qu'il devait attirer des personnes à fort potentiel, capables de collaborer sur différents continents et différentes technologies. Zhang avait réalisé que si ses employés avaient l'impression que leur travail était important et si l'entreprise s'investissait fortement dans leur développement perpétuel, il pourrait attirer et garder les meilleurs et les plus brillants techniciens du monde. Et il y parvint extrêmement bien. Les bénéfices d'Envision ont doublé chaque année depuis sa création.

InfoQ : Dans votre livre, vous décrivez l'état d'esprit d'amélioration, l'empressement des gens à apprendre et à se développer. Comment un état d'esprit d'amélioration supporte-t-il un état d'esprit lean ?

Mary & Tom : Les principaux éléments du Lean sont la résolution constante de problèmes et l'amélioration continue. L'idée derrière un état d'esprit d'amélioration est qu'on ne s'attend pas à être parfait - on s'attend à devoir travailler dur. Ma petite-fille, qui a obtenu une ceinture noire de Taekwondo, comprend très bien cela. Elle sait qu'elle ne sera jamais parfaite, et aime le défi de l'amélioration continue.

Certaines sociétés cherchent une solution miracle pour résoudre leurs problèmes, et ne réalisent jamais que le vrai progrès vient de la remise en cause permanente du status quo et de l'avancement à l'étape suivante vers le succès, dans un voyage sans fin.

InfoQ : Certaines des différentes manières d'organiser le coaching consistent par exemple à faire coacher les employés par les managers ou à faire venir des coachs indépendants. Quels sont les avantages et les désavantages de ces approches ?

Mary & Tom : Personnellement, nous ne voyons pas l'appel à des coachs indépendants comme une bonne option à long terme pour les entreprises, car de notre point de vue, la tâche principale des managers est de coacher leurs équipes. Quand un grand changement est en cours, un coach extérieur peut être une bonne idée, mais sur le long terme, le meilleur coach pour les employés est leur manager. Cela suit les idées des auteurs lean que nous avons étudiés, même si cela ne s'aligne pas avec certaines littératures Agile. Il est probable que les deux meilleurs ouvrages sur le sujet soient "Managing to Learn" de John Shook et "Creating a Kaizen Culture" de Jon Miller, que nous recommandons tous deux fortement.

InfoQ : De nombreux cas tirés d'Ericsson Networks sont décrits dans votre livre. L'une des choses qu'ils ont en commun est la mise en place d'équipes pluridisciplinaires libres d'organiser leur travail. Cela implique-t-il un changement de culture ?

Mary & Tom : Passer d'équipes fonctionnelles à pluridisciplinaires implique un changement important, bien qu'Ericsson était déjà organisée autour d'unités de travail inter-fonctionnelles de taille raisonnable, et que la réorganisation se fit à l'intérieur de ces unités. Ericsson ayant toujours mis l'accent sur le produit, l'idée d'équipes de produit n'était pas trop éloignée de leur culture sous-jacente.

L'idée de donner aux équipes la liberté d'organiser leur travail n'était pas non plus un véritable changement de culture. En Suède, les managers ne considèrent pas que dire aux équipes ce qu'elles ont à faire fasse partie de leur fonction, et s'attendent à ce que les équipes collaborent pour résoudre les problèmes. Cela fait partie de la culture suédoise depuis longtemps. Nous le savons car Mary travaillait à 3M, qui a hérité une bonne partie de sa culture des personnes d'origine scandinave qui vivaient dans le Minnesota au début des années 1900. Chez 3M, il était très clair qu'on attendait des équipes qu'elles organisent elles-mêmes leur travail.

Enfin, la culture suédoise a un très grand respect pour la profession d'ingénieur, donc ce n'était pas une surprise que les managers d'Ericsson respectent les ingénieurs et s'attendent à ce qu'ils pensent par eux-mêmes.

InfoQ : Vous déclarez que "La meilleure façon d'être productif est tout d'abord d'être sûr que vous faîtes les bonnes choses". De nombreuses entreprises éprouvent des difficultés à déterminer ce que sont ces "bonnes choses". Pourquoi est-ce si difficile ?

Mary & Tom : Nos processus de retour d'information sur la conception sont beaucoup trop longs. C'est aussi simple que cela. Nous pensons savoir ce qu'est la bonne chose, passons un temps démesuré à la réaliser, et nous nous rendons compte que nous avions tort. Peut-être ne sommes-nous qu'un petit peu dans le faux, mais cela n'a pas d'importance - une fois que le produit est créé, s'il n'est pas bon, il ne ravira pas les clients. C'est assez arrogant de penser que nous savons exactement ce que veulent les clients - et de toute évidence, aussi brillant soit-on, nos hypothèses seront probablement complètement fausses.

Mais nous avons ces processus, basés sur le syndrôme du héros, qui disent que quelqu'un devine, que l'on considère son hypothèse comme correcte, et que le reste de l'équipe n'a pas à questionner la décision. Nous avons besoin de processus qui partent du principe que nous ne savons pas ce qu'est la bonne chose, et que nous impliquons donc toute l'équipe - des personnes avec différents types de connaissances et de compétences - dans le but de découvrir ce qu'est cette bonne chose.

Utiliser des processus agiles n'a aucun sens si nous ne les utilisons pas pour aller chercher les retours d'information directement sur le marché et les remonter le plus rapidement possible. Et c'est ce que l'on fait avec la livraison en continu. C'est pourquoi la livraison en continu est le processus d'ingénierie logicielle du futur.

Vous pouvez télécharger un extrait du livre "the Lean Mindset : Ask the Right Questions", écrit par Mary et Tom Poppendieck, publié par Addison-Wesley Professional, en septembre 2013, ISBN 9780321896902, Copyright© 2014 Poppendieck.LLC. Pour plus d'information, visitez la page internet des éditeurs à propos de The Lean Mindset.

A propos des Auteurs du livre

Mary Poppendieck a dirigé beaucoup d'équipes dans l'implémentation de diverses solutions métier, allant de la gestion de chaîne logistique au média digital. Elle est présidente de Poppendieck.LLC, qui est spécialisé dans la mise en oeuvre de techniques Lean dans le développement logiciel.

Tom Poppendieck est analyste d'entreprise, architecte, et mentor de processus agiles chez Poppendieck.LLC. Il assiste actuellement des sociétés dans leur application de principes et outils lean sur leurs processus de développement logiciel.

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