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Chausse-trappes et Chimères de l'Holacratie

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Dans cet article, nous vous présentons des mises en garde, ce que nous pensons qu’il ne faut pas faire avec l’holacratie, peut-être à tort, c’est notre point de vue. On vous parle aussi de ce que l’on a testé et qui n’a pas marché. Ou pas complètement. Ca pourrait servir à d’autres qui veulent utiliser le modèle. Nous voulons nuancer notre propos. Montrer que parfois, on se prend les pieds dans le tapis.

On essaye d’aborder tous ces modèles, tous ces systèmes avec bienveillance mais pas avec naïveté. On essaye de se donner les moyens de la démarche : pour avoir des bénéfices, il faut investir, pour attraper quelque chose il faut souvent lâcher autre chose. On essaye de garder de la cohérence, de penser à voir le tout, dans notre monde les sous-optimisations ne fonctionnent souvent pas.

Rien ne devrait s’appliquer à la lettre

Rien ne devrait s’appliquer à la lettre. Sauf à savoir qu’on l’applique bêtement à la lettre pour découvrir, apprendre. Sauf à comprendre que l’on est dans le cadre d’une conduite du changement. C’est à dire presque acter qu’il ne faut pas appliquer les choses à la lettre pour se l’autoriser un temps.

L’holacratie propose que votre organisation, comme un organisme, n’ait de cesse d’évoluer. Ce principe est englobant. Il englobe le cadre, il ne cessera d’évoluer lui aussi. Et ainsi votre holacratie. Une application à la lettre sans réflexion ne pourra que fossiliser votre initiative.

L’holacratie n’est pas un mouvement ex-nihilo

L’holacratie n’est pas un mouvement ex-nihilo. Elle hérite et s’inspire de nombreux mouvements et de nombreuses initiatives. Elle a regroupé intelligemment un bel ensemble d’idées et de pratiques, un ensemble attractif, vendeur, que nous aimons. Mais elle doit tout à d’autres mouvements, comme eux-mêmes le doivent à d’autres encore. C’est un cercle vertueux du progrès. Elle amène une synthèse intéressante. Mais vous ne pouvez pas appréhender l’holacratie sans avoir jeté un oeil à la sociocratie, à l’entreprise libérée, à l’agilité, etc. Ainsi il serait dommage de se mettre des oeillères et de se focaliser uniquement sur l’holacratie. Pour mieux comprendre celle-ci il est intéressant de savoir dans quel paysage elle s’inscrit. Pour mieux appliquer l’holacratie, regardez ailleurs. Une perspective qui vous autorisera à adapter votre approche tout en gardant une cohérence qui est essentielle.

Ne signez pas la constitution !

Pareillement : ne signez pas la constitution ! C’est encore un vestige marketing, une façon de faire un manifeste déguisé, une façon de recentrer les choses autour d’une marque américaine qui veut gagner de l’argent. Vous n’en avez pas besoin. Votre intention et votre attitude comptent bien plus. Si vous pensez que l’acte est intéressant pour démontrer l’engagement : écrivez votre propre constitution. (Ne croyez pas aux certifications) signez un texte qui provient de vous et des gens qui travaillent avec vous, c’est bien plus intéressant.

Décrivez le cadre, pas les gestes

Comme tous les modèles d’organisation dans un monde complexe : le cadre supplante le geste. On peut être directif sur le cadre (voilà pourquoi nous faisons les choses, voilà ce que nous attendons de ce cercle, voilà des métriques associées à cette raison d’être et à ces redevabilités, etc.) mais on ne doit pas l’être sur le geste. On devrait expliciter le pourquoi, le sens, et les métriques qui permettent d’avoir un regard sur ce pourquoi. Mais on ne devrait PAS expliciter comment agir. C’est du domaine de l’autonomie de chacun des cercles. La décision est déportée dans les cercles, c’est essentiel à l’engagement. Si on définit le comment, la décision, l’engagement, sont ébranlés.

La précision tue aussi l’engagement

Le risque de confusion entre le cadre et le geste est particulièrement possible quand on descend au niveau des rôles. Plus on arrive à un niveau micro, plus il est difficile de distinguer cadre et geste.

Beaucoup crient un peu par manque de recul à la déshumanisation engendrée par l’holacratie. C’est une dérive qui ne surprend pas. On a tellement détaillé les rôles que l’on est tombé dans le comment, que l’on a rempli tout l’espace. Il n’y a plus de respiration, plus d’intervalle pour s’engager, pour innover. Vous devez garder de l’espace : en ne décrivant pas le comment, en laissant une zone libre.

Pas de précipitation sur les rôles

Dans un même ordre d’idée : ne vous précipitez pas sur les rôles. Traitez-les comme un élément difficile à manipuler. Vous pourriez même les éviter au début contrairement à ce que demande l’holacratie. Ils peuvent devenir des médailles honorifiques qui ont perdu du sens. Ils peuvent être rattachés à des éléments de votre fiche de poste, pire de vos objectifs, ou encore observé : rôles déclarés à la demande des syndicats. Dans tous ces cas on a perdu le sens du rôle.

Normal qu’une entreprise qui déploie l’holacratie en décrivant le comment, en précisant énormément les rôles de chacun soit taxée de déshumanisation. Elle a étouffé sa dynamique.

Le bain de sang commence quand...

Nous ne savons pas si ces premières recommandations peuvent vous épargner certaines de nos souffrances. Peut-être plus pragmatiquement, essayez à l’odeur de détecter que les choses commencent à pourrir quand :

  • Le premier lien commande au lieu d’encadrer.
  • On a des tensions mais on ne peut pas les résoudre car on ne nous en donne pas les moyens.
  • La description des redevabilités du cercle est une liste de tâches, pas un cadre.
  • Tout le monde veut un rôle pour exister, peu importe à quoi il sert.
  • On imagine que de ne pas avoir de rôle c’est ne pas exister, ou être moins important qu’un autre membre du cercle.
  • On s’octroie un rôle pour la rétribution financière qu’il apporte.
  • Surtout on te demande de ne pas réfléchir mais d’appliquer.
  • “Holacratie” devient le moyen de justifier tous les problèmes.
  • On réfléchit bien à la structure de l’organisation, dans un bureau, qu’on la pose, et que maintenant c’est la nouvelle organisation, pour toujours.
  • Des décisions impactant un cercle sont prises sans consultation du cercle.
  • On fait une liste à points.
  • La fiche du cercle (raison d’être, domaines, redevabilités, métriques, checklist) est plus longue à lire que la recette de l’omelette norvégienne.
  • Un cercle englobant ne sait plus ce qu’il se passe dans les cercles englobés et perd confiance.
  • On vous demande de payer un droit pour l’utilisation du nom d’une approche qui s’inspire d’autres.
  • Les personnes en dehors d’un même cercle cessent de se parler.
  • On se sent obligé de nommer un second lien sans savoir à quoi cela sert.
  • Le cercle englobant ne joue pas le jeu.
  • Les vraies décisions sont prises ailleurs.
  • On vous propose d’être certifié.
  • L’outil électronique vous indique quoi et comment faire.
  • Le processus prend le pas sur l’intelligence, que le processus devient la cible.

Vous avez coché entre 1 et 3 cases...

Vous êtes dans une situation normale. Continuez votre chemin en n’oubliant pas d’inspecter et d’adapter régulièrement votre approche.

Vous avez coché entre 4 et 6 cases...

Faites une pause et prenez du recul. Est-ce que vous avez des sponsors suffisamment motivés et acteurs de cette expérimentation ? Est-ce que les personnes de votre organisation sont alignées sur les motivations qui vous poussent à utiliser l’holacratie ?

Vous avez coché plus de 6 cases...

Branle-bas de combat, tout le monde sur le pont. Il faut s’aligner, clarifier, harmoniser, les attentes, les besoins, la cible de ce qui se cache derrière le terme holacratie. A priori pas forcément la même chose pour tout le monde, vous allez dans le mur. Ce n’est peut-être pas le bon moment. Ou pas les bonnes personnes. Ou le changement est voulu pour les mauvaises raisons. Gardez ce qui marche, clarifiez le reste assez vite.

A propos des Auteurs

Géraldine Legris est coach agile. Elle intervient chez des clients qui ont besoin d’aide pour questionner et améliorer leur façon de travailler. Elle les invite à faire différemment. Ses interlocuteurs sont les équipes, mais aussi les managers et l’organisation toute entière. Elle travaille en équipe, avec l’ensemble des coachs organisationnels et techniques de SOAT. Et elle consigne une grande partie de ses réflexions dans un blog : theobserverself.com.

Pablo Pernot : Après une maîtrise sur les Monty Python, un DEA sur le non-sens et l’absurde, l’entame d’un doctorat sur les comiques cinématographiques, il paraît normal que Pablo se soit lancé dans le management organisationnel et la conduite du changement, c’est -finalement- une suite logique. Actuellement coach holistique chez beNext. Son blog :areyouagile.com.

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