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Interview avec Lionel Dricot : bitcoin et crypto-monnaies

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Lors du récent Mix-IT 2014 à Lyon, nous avons eu l’occasion d’assister à la keynote de Lionel Dricot, alias @ploum, pendant laquelle il parlait notamment des monnaies cryptographiques (comme le bitcoin) et les usages et révolutions qu’elles pourraient apporter dans le futur.

InfoQ FR a donc interviewé Lionel Dricot autour de ces sujets.

InfoQ FR : Bonjour Lionel, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pour ceux qui ne te connaîtraient pas, peux-tu commencer par te présenter ?

Lionel Dricot : Je suis @ploum, je blogue depuis près de 10 ans et j’aime créer le futur, que ce soit à travers mes écrits ou grâce à mon implication auprès de startups visionnaires.

InfoQ FR : Nous allons parler de Bitcoin et de l’émergence des cryptocurrencies. Le Bitcoin a déjà pas mal de visibilité aujourd’hui, mais est-ce que tu pourrais nous faire une petite présentation de comment ça fonctionne ?

Lionel Dricot : Techniquement, le principe est très complexe. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un bitcoin est incopiable et que le nombre de bitcoins est limité. Il s’en suit qu’on peut l’utiliser comme monnaie.

J’ai justement écrit une introduction très vulgarisée au bitcoin : http://ploum.net/bitcoin-pour-les-nuls/

InfoQ FR : Quel a été ton premier contact avec ce nouveau genre de medium d’échange ? Qu’est-ce qui t’as séduit dans le Bitcoin ?

Lionel Dricot : Je ne sais plus dire comment je l’ai découvert. À l’époque, j’étais passionné par tout ce qui touchait à la décentralisation totale. J’avais moi-même tenté de créer, sans succès, une monnaie décentralisée. Du coup, quand j’ai vu le Bitcoin, je me suis dit « Génial ! ».

Mais mon intérêt était purement technique. Je n’imaginais pas du tout que le Bitcoin puisse prendre de la valeur et, honnêtement, cet aspect ne m’intéressait pas. C’est peut-être ma plus grosse erreur.

InfoQ FR : On voit fleurir tout un tas de nouvelles monnaies : Litecoin, Namecoin, Dogecoin, etc... Comment s’y retrouver ? Sont-elles toutes si différentes ?

Lionel Dricot : Pour la plupart, il n’y a pas vraiment de différence fondamentale. À quelques exceptions près (Ripple, NXT), elles sont basées à 99% sur le Bitcoin et seulement quelques détails changent.

Mon conseil est simple : tant que vous n’êtes pas 100% convaincu de bien comprendre le Bitcoin, ne commencez pas à jouer avec les alternatives.

Je peux me tromper mais je pense que d’ici deux ou trois ans, la plupart auront disparu.

InfoQ FR : Selon toi, quel est le cas d’usage où une monnaie comme le Bitcoin brille le plus ?

Lionel Dricot : Aujourd’hui ? Nulle part. Demain ? Partout.

Aujourd’hui, le Bitcoin est encore beaucoup trop complexe. Payer avec une carte bleue est encore plus facile que d’utiliser Bitcoin. Les seuls cas où le Bitcoin est réellement utile est lorsque l’on souhaite effectuer des transactions en dehors du regard des autorités. En soit, c’est déjà un élément très important. On a beaucoup parlé de l’achat de drogue via Silk Road mais les paiements en bitcoins sont également une opportunité énorme de développer une économie dans les pays autoritaires où le gouvernement interdit beaucoup de choses.

Mais si on considère le Bitcoin plus comme une plateforme, un peu comme l’était le web au début des années 90, on se rend compte du potentiel. À quoi servait le web à cette époque là ? À pas grand chose. Mais une fois qu’on a bâtit les outils sur cette plateforme qu’est le web, son utilité s’est imposée dans absolument tous les domaines.

Avec le Bitcoin (ou une crypto-monnaie du même type), je prédis exactement le même genre de futur. Le « Futur-coin » nous fera prendre conscience à quel point manipuler des billets de papier, des pièces et des cartes de plastique est inconfortable.

InfoQ FR : Des usages nouveaux ont déjà émergé autour de Bitcoin et de la blockchain, peux-tu donner quelques exemples ?

Lionel Dricot : Un grand problème qui s’est souvent posé, notamment chez les auteurs, est « la preuve d’existence ». Un auteur qui soumet un manuscrit à un éditeur veut éviter que son travail lui soit volé et soit publié sous un autre nom. Traditionnellement, les auteurs s’envoyaient une copie sous pli scellé de leur manuscrit. En cas de litige, il « suffisait » d’aller devant un tribunal, de donner l’enveloppe scellée (avec le cachet de la poste certifiant la date). Un huissier l’ouvrait et pouvait certifier que le manuscrit original avait bien été écrit antérieurement.

Avec chaque transaction, il est possible d’intégrer un message dans la blockchain. Un auteur peut donc aujourd’hui envoyer un hash de son travail avec une transaction vers lui-même. En cas de conflit, il suffit de dire : « Vous voyez ce hash que j’ai envoyé à telle date ? Et bien je peux vous donner le fichier qui génère ce hash ».  

Un autre cas particulièrement emblématique est celui du Namecoin. Le but du Namecoin est purement et simplement de remplacer le DNS, qui est actuellement contrôlé de manière centralisée par l’ICANN.

InfoQ FR : Les critiques arguent que le Bitcoin est bien trop volatile. Est-ce selon toi un problème ? Comment le mitiger ?

Lionel Dricot : Je pense qu’il ne faut pas trop s’intéresser à la valeur du Bitcoin lui-même mais aux possibilités qu’il offre en temps que plate-forme. Personnellement, je pense que nous verrons bientôt éclore des surcouches au Bitcoin qui permettront d’abstraire à la fois sa complexité mais également sa volatilité.

InfoQ FR : On voit aussi de plus en plus d’actualités autour de places d’échange de Bitcoins qui se sont effondrées, avec des tonnes d’argent qui “disparaissent” (par exemple MtGox). Le problème n’est à priori pas techniquement dans le Bitcoin lui-même mais dans l’implémentation et la gestion de ces sites. Qu’est-ce que tu penses de ces scandales et de leur influence sur l’adoption des monnaies crypto ?

Lionel Dricot : Nous sommes un peu dans l’équivalent de la bulle Internet pour le Bitcoin. À l’époque, tout le monde s’était rué sur Internet et on avait vu fleurir des millions de sites de commerce en ligne. Tout paraissait facile. Tellement facile que des gens incompétents se sont soudainement vus à la tête de millions de dollars en investissement pour un concept qui, avec le recul, nous semble absurde. L’éclatement de la bulle a écrémé tout cela, ne laissant que les plus capables (rappelons que même Amazon a réellement souffert à ce moment là).

Avec le Bitcoin, c’est pareil. Les incapables disparaissent. Les gens qui ont confié leurs bitcoins à des incapables savaient qu’ils prenaient un risque. J’ai moi-même perdu des bitcoins dans des échanges qui ont disparu mais j’estime que c’est entièrement de ma faute.

D’ailleurs, on a déjà vu le même problème se poser avec des banques tout à fait traditionnelles, comme Kaupthing. Le problème, c’est que beaucoup d’investisseurs veulent le meilleur rendement, disent accepter les risques mais hurlent au scandale dès qu’ils perdent de l’argent. Notons que les banques font pareil en se faisant renflouer par les états.

Bitcoin, finalement, ne fait que mettre en exergue un principe de la finance qui semble avoir été oublié : le rendement est la contrepartie d’un risque pris, ce n’est pas un dû !

InfoQ FR : Au delà de l’aspect monétaire, est-ce que la technologie de la blockchain n’a pas ouvert la porte à des nouveaux usages ? Y'aurait-il déjà des émergeants dont tu aurais entendu parler ?

Lionel Dricot : Il y a ceux qui découlent assez rapidement du principe de Blockchain. J’ai notamment parlé de remplacer la bourse et les actions par des “Shares coins” et des projets dans ce sens existent.

Il y a également le côté très intéressant d’implémentation de la démocratie liquide, concept par lequel chaque citoyen possède une voix mais peut la déléguer à qui il souhaite pour la durée qu’il le souhaite.

Ainsi, je pourrais par exemple déléguer ma voix à mon épouse, qui s’intéresse plus à la politique que moi. Elle-même la délègue à un politicien local en qui elle a confiance qui, lui-même, délègue à un politicien national. Ce politicien possède donc quatre voix (la sienne, le politicien local, mon épouse et moi). Mais, à tout moment, je peux réclamer ma voix et voter comme je l’entends. La politique ne serait donc plus un concours de popularité mais un véritable processus décisionnel. D’ailleurs, les élections n’auraient plus de sens.

Un parti Danois a d’ailleurs commencé à expérimenter avec le vote à travers la Blockchain. Le Parti Pirate, grand défenseur de la démocratie liquide, n’a jamais réussi à trouver la plate-forme idéale. Peut-être que la voilà.

Enfin, pour voir encore plus loin, je vous invite à regarder cette conférence de Mike Hearn : https://www.youtube.com/watch?v=Pu4PAMFPo5Y&feature=youtu.be

InfoQ FR : Merci Lionel pour tes éclaircissements et ta vision d’un futur potentiel !

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