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La Voix du Coach - Emmanuel Sciara

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La voix du Coach

A l'heure du digital et de l'Agile à l'échelle de l'entreprise, les offres pour accompagner les équipes et organisations dans ces mutations se multiplient, et la transition reste toujours délicate et longue. Pour démêler les discours, InfoQ FR propose un panorama hétéroclite de ces accompagnants de l'agilité, souvent appelés "coachs", pour donner une voix à ce "métier", et aussi un visage, des pratiques, des modes d'agir dans les organisations.

Cette série propose la vision de coachs français sur leur définition du coaching, leur parcours, leurs réussites et échecs, ainsi que des conseils et éléments de réflexion actuels.

Emmanuel Sciara

Après un début de carrière informatique à l’international en tant que développeur puis architecte Java J2E, Emmanuel s’intéresse aux dynamiques de groupes et à la capacité de ceux-ci à comprendre leur environnement pour mieux le façonner. De retour en France, il se dirige vers l'agilité et le coaching.

 

InfoQ FR : Pourriez-vous vous présenter et expliquer à nos lecteurs votre définition de votre métier ?

Emmanuel Sciara : Je suis aujourd’hui coach agile chez Xebia, que j’ai rejoins il y a un peu plus de deux ans.

Le métier de coach, c’est principalement guider et influencer des équipes à se prendre elles-mêmes en main et à résoudre ses propres problèmes.

Mais parfois, il faut être tough love, et être plus directif avec une posture de consultant. Le tout est de trouver le bon équilibre, en essayant de rester le plus possible dans le premier format.

InfoQ FR : Pourriez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a mené à votre pratique actuelle ?

Emmanuel Sciara : J’ai commencé ma carrière à l’étranger (10 ans en Australie, Grande Bretagne, puis Pays-Bas) en tant que développeur C++ puis Java après avoir eu la chance de suivre un des rares cursus qui étudiait l’Orienté Objet et ses applications en architecture logicielle de manière approfondie. J’ai toujours été attiré par les systèmes complexes, ce qui m’a amené assez rapidement à travailler sur des systèmes concurrents transactionnels basés sur du Java J2E. J’ai très tôt adopté les approches privilégiant les tests unitaires et autres automatisations de test.

Je suis allé jusqu’à devenir architecte-développeur, puis j’ai changé radicalement de direction pour complètement abandonner l’informatique. Toujours aussi fasciné par la complexité, j’ai été particulièrement attiré par les influences systémiques sur l’évolution des systèmes complexes, en particulier sur la capacité d’équipes, groupes, communautés et sociétés à créer leur futur en influençant leur environnement plutôt que de le subir. Aussi, j’ai tout abandonné pour me rapprocher des cercles du Systems Thinking (Peter Senge et al), la Théorie U (Otto Scharmer, Joseph Jaworski et al) et les approches de Scenario Planning développés principalement à la Shell pour la définition des stratégies à long terme du groupe. Ces champs ne faisant pas vraiment partie d’un cursus particulier, j’ai appris par la pratique en faisant d’une part un cursus de coaching de vie, et d’autre part en ayant l’opportunité et la chance de travailler avec des pairs expérimentés.

Suite à un retour en France précipité, les conditions de l’époque ne me permettant pas de poursuivre sur cette voie, je suis revenu vers l’informatique où j’ai fait quelques rencontres opportunes, notamment celle de Géry Derbier, qui m’ont permises après quelques temps de me rapprocher de l’agilité et de faire du coaching agile.

InfoQ FR : Concrètement, comment se traduit votre métier au quotidien ? Qu'est-ce que vous faites ?

Emmanuel Sciara : Je suis des équipes et des organisations dans leur effort de travailler en suivant les préceptes de l’agilité. Concrètement, il y a une partie formation, une partie d’observation, une partie de mise en pratique sur des situations concrètes, mais aussi du conseil sur les approches et les contraintes à mettre en place.

Je conseille également sur les changements organisationnels qui vont faciliter le travail agile et sur les éléments nécessaires à une transformation culturelle agile. Ce sont en fait deux parties importantes dans la réussite de la mise en place de l’agilité.

Dans la partie coaching, il s’agit en général dans un premier temps d’observer, puis de montrer par l’exemple comment mettre en pratique en faisant moi-même les animations. Ensuite, il s’agit d’inciter graduellement les membres de l’équipe à faire par eux-mêmes et à être acteurs et responsables de leur propre bon fonctionnement. J’essaie autant que possible de laisser les équipes décider, et de travailler avec leur envie de bien faire, tout en maintenant un environnement qui encourage cette attitude.

Parfois, l’implication est plus directive, en particulier lorsque les équipes ne font pas face à leur propres problématiques d’équipes, et laissent leurs mauvais fonctionnements perdurer bien qu’ils le constatent. Alors, je challenge, j’impose des règles structurantes tout en expliquant leur raison d’être : définir le contenant, certes strict, mais dans lequel on a toute liberté d’action et de création. Un exemple simple est la création par l’équipe d’une Définition of Done, et son application stricte, avec possibilité de changer la règle à condition 1/ que le changement ne soit pas constant et sans stabilité et 2/ qu'il garantit en effet que le travail soit d’une qualité suffisante pour avancer de manière agile.

InfoQ FR : Quelles sont vos sources d’inspiration et de formation ?

Emmanuel Sciara : Mes sources d’inspiration viennent principalement de la pensée systémique, de l’étude de la complexité, tout ce qui est en relation avec le développement de leadership et les dynamiques d’équipe. Il y a aussi une partie de psychologie avec l’école de Palo Alto.

InfoQ FR : Pour vous, quelle est la partie la plus intéressante de ce que vous faites ?

Emmanuel Sciara : Pour moi, c’est le travail d’équipe, et comment je peux influencer les gens à être meilleurs et atteindre leurs buts.

InfoQ FR : A l'inverse, qu'est-ce qui vous paraît compliqué dans la posture du coach ?

Emmanuel Sciara : Ce qui est le plus compliqué est de coacher dans des environnements où le système lui-même rend impossible la mise en place de l’agilité, avec des contraintes systémiques sur lesquelles on n’a pas de levier d’influence. Egalement, les environnements où la compétence technique, indispensable dans l’agilité, est absente, ou encore où il n’y a de manière évidente, pas de motivation ou de volonté de changer. Cela prend une énergie folle de tirer les gens vers le haut pour très peu de résultat.

InfoQ FR : Quelles sont vos plus belles réussites en tant que coach ?

Emmanuel Sciara : Ce sont les moments où les équipes ont un déclic et voient la lumière. J’adore ces moments d’épiphanie où la compréhension de la subtilité des choses se met en place, et du coup l’équipe atteint un autre niveau de travail ensemble.

Egalement, les projets dans lesquels je ne sers plus à rien, et où l’équipe suit sa propre voie.

Il y a aussi un autre moment, où j’ai travaillé avec les collègues techniques très compétents de ma boite… Un vrai plaisir. On se complétait dans nos domaines respectifs et du coup, nous avons réussi à livrer un travail de qualité malgré une situation très difficile.

InfoQ FR : Quels sont vos plus criants échecs ? Qu'en avez-vous appris ?

Emmanuel Sciara : Je me rappelle de trois exemples.

Dans le premier, il s’agissait d’une grosse équipe dont le problème venait de manière évidente de la direction de la section, dont les membres évitaient soigneusement de prendre des décisions. Cela laissait un vaccuum de leadership considérable. La souffrance dans les équipes était considérable. J’ai failli me bruler dans l’affaire. J’y ai appris que lorsque le problème est systémique et dans le management, c’est peine perdue de vouloir faire avancer les choses en travaillant sur les équipes : il faut s’attaquer au problème là où il est, c’est à dire changer le management… ou prendre ses jambes à son cou.

Dans le second, il s’agissait d’un projet dans lequel les équipes étaient organisées en component teams et où l’on refusait de les réorganiser pour faire des équipes multi-compétences car le changement organisationnel était jugé trop important (problème de syndicats entre autres). On retrouve la même expérience que dans le Beer Game (voir mon billet de blog Xebia sur le sujet) : le système induit le comportement (désastreux) et rend le succès quasi impossible malgré les efforts colossaux engagés.

Dans le troisième, on m’a demandé d’officier pour une équipe que l’on voulait améliorer sans qu’il y ait vraiment d’appétence pour. Bien que les possibilités d’amélioration étaient évidentes et conséquentes, tout le monde semblait content et surtout très confortable (l’équipe de développement en particulier), avec un budget bien fourni. Résultat, personne ne bougeait, malgré bien des ruses employées. Ma leçon : si ça ne fait pas mal quelque part, ou que l’on veut vraiment changer, laisse vivre.

InfoQ FR : Comment percevez-vous le déploiement de l'Agile dans les organisations françaises ?

Emmanuel Sciara : Il est aujourd’hui en plein essor, avec une appétence particulière pour les transformations à l’échelle. Cela veut aussi dire qu’il manque de compétences de coaching et que toute sorte de SSII traditionnelle, sans vraiment de compétences ni d’expérience sur le sujet, se positionne pour capter les budgets.

Le plus dur reste les entreprises qui suivent le mouvement sans vraiment le comprendre, et qui ne comprennent pas les changements culturels que cela implique… L’intervention dans ces environnements fera potentiellement très mal.

InfoQ FR : Comment analysez-vous le développement du coaching agile sur les dernières années ?

Emmanuel Sciara : Tout simplement fulgurant. C’est passé d’une curiosité à un must have. Maintenant on en est à la généralisation et peut-être bientôt à la banalisation… mais peut être pas dans le bon sens du terme. Dans beaucoup de cas, on change les mots, mais pas les habitudes.

InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent se lancer, par où leur conseilleriez-vous de commencer ?

Emmanuel Sciara : Pour commencer, il faut de la curiosité, de l’intérêt, et de l’expérimentation. Il ne s’agit pas de connaissances, mais de volonté de vouloir rendre les choses meilleures, et de découvrir ce que l’agilité apporte dans ce sens. Il faut avoir aussi une passion pour les gens. Lisez, testez… et rapprochez-vous de personnes ou d’entreprises passionnées avec lesquelles vous pourrez échanger et partager vos expériences. On est toujours intéressé par ceux qui vont de l’avant et ont une vraie volonté d’apprendre, de comprendre et d’appliquer.

InfoQ FR : Quelles sont les tendances qui vous ont étonné récemment et que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?

Emmanuel Sciara : Je suis très étonné de l’essor de pratiques comme la Théorie U, de la spirale dynamique, qui étaient déjà révolutionnaires mais en marge il y a 10 ans, lorsque je les ai découvertes. Elles se basent sur des concepts humains très fins dont je ne suis pas sûr que beaucoup de gens comprennent la profondeur, et donc la difficulté d’utilisation et de mise en place. Dans le premier en particulier, on parle de transformation humaine, dans le sens profond du terme.

Je suis également très curieux de l’évolution et la mise en place du mouvement des entreprises libérées et de la réponse aux exigences des générations Z et post Z en matière de sens dans le travail.

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