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La Voix du Coach - Samuel Retière

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La Voix du Coach

A l'heure du digital et de l'Agile à l'échelle de l'entreprise, les offres pour accompagner les équipes et organisations dans ces mutations se multiplient, et la transition reste toujours délicate et longue. Pour démêler les discours, InfoQ FR propose un panorama hétéroclite de ces accompagnants de l'agilité, souvent appelés "coachs", pour donner une voix à ce "métier", et aussi un visage, des pratiques, des modes d'agir dans les organisations.

Cette série propose la vision de coachs français sur leur définition du coaching, leur parcours, leurs réussites et échecs, ainsi que des conseils et éléments de réflexion actuels.

Samuel Retière

Développeur, maitrise d'ouvrage, chef de projet, manager, coach agile et bientôt ....

It is not the strongest of the species that survives, nor the most intelligent that survives. It is the one that is most adaptable to change. Darwin

 

InfoQ FR : Pourriez-vous vous présenter et expliquer à nos lecteurs votre définition de votre métier ?

Samuel Retière : Officiellement, je suis "expert méthodes et outils". C'est ce qui est écrit sur ma fiche de paie. Ce détail met en lumière le fait que les coachs agile internes ne représentent qu'une part infime des employés et que l'on se retrouve donc avec des intitulés de poste assez éloignés de ce que l'on fait vraiment. Nous sommes un peu les électrons libres de la structure et c'est pour cela que je me vois comme un catalyseur de changement. Je ne suis clairement pas un coach dans le sens où j'arrive aussi avec des solutions. C'est d'ailleurs beaucoup plus la dessus que l'on nous attend dans la structure.

InfoQ FR : Pourriez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a mené à votre pratique actuelle ?

Samuel Retière : Je me suis lancé dans l'Agile il y a 6 ans après avoir lu le livre sur Scrum de Claude Aubry . Je me suis dit que cela faisait du sens d'essayer sur une partie du périmètre dont je m'occupais. J'ai ensuite assez vite changé de poste et je suis parti sur du Kanban principalement par manque de product owner au sens Scrum du terme. A l'époque, il n'y avait pas beaucoup de sources d'inspiration sur ce sujet. Quand la transformation Agile est partie dans la banque d'investissement, Laurent Sarrazin m'a proposé de passer de l'autre côté de la barrière pour devenir coach.

Auparavant, j'ai été développeur, maitrise d'ouvrage, chef de projet, manager,... Je vais là ou je suis le plus utile pour la structure pour laquelle je travaille. Dans la société de gestion où j'ai travaillé, on me surnommait le back up universel. Je remplaçais sur beaucoup de poste quand les référents partaient en vacances.

InfoQ FR : Concrètement, comment se traduit votre métier au quotidien ? Qu'est-ce que vous faites ?

Samuel Retière : J'ai par le passé travaillé beaucoup avec les équipes pour les aider à adopter une méthodologie adaptive et non plus prédictive. Influencés par Allistair Cockburn, nous avons essayé de nous concentrer sur les résultats attendus et pas les pratiques. Je ne le fais quasiment plus car avec notre montée en maturité, j'interviens beaucoup plus sur les deux problématiques suivantes :

  • Mettre les bonnes choses dans les tuyaux ou product developpement pour les intimes : Faire deux fois plus vite des choses inutiles, c'est juste générer deux fois plus de dette. Généralement, je commence par de la formation à base d'exercices pour de l'entrainement mais aussi pour que l'on parle le même vocabulaire. Je facilite aussi des workshops avec le métier. Je continue à faire avec les équipes pour ne pas perdre la main. Le plus gros défi, c'est de passer d'une vision solution à des questionnements sur le problème et la capacité à livrer vite des expérimentations pour valider les hypothèses métier.
  • Agilité à l'échelle : C'est plus récent car nous avons maintenant accès à plus haut dans la structure. Je participe aux discussions pour accélérer le processus de développement avec une vision globale et plus locale. Cela se traduit souvent par des réajustements et création d'équipes autonomes (squad pour parler le jargon spotify). Je passe pas mal de temps à lancer et structurer les communautés de pratiques de type chapter (toujours spotify). Je me retrouve aussi à parler aux sociétés de services pour leur expliquer comment nous recrutons. On me demande d'avoir une vision d'ensemble sur un périmètre de 300 personnes. Dans ce rôle, j'appuie souvent là où ça fait mal. J'appartiens à un département central et je peux donc remonter ce qui va bien et ce qui ne va pas bien.

InfoQ FR : Quelles sont vos sources d’inspiration et de formation ?

Samuel Retière : Mon "idole", c'est Karl Scotland et son kanban thinking. Il parle avant tout des résultats attendus d'un système kanban et ensuite des pratiques possibles pour y arriver. En cela, il rejoint l'approche Crystal Clear d'Allistair Cockburn. J'ai tendance à suivre ceux que j'appelle les pragmatiques et je m'écarte du credo 'Agile c'est avant tout des valeurs' et de l'école posture basse du coach. Je vais être un peu plus précis en donnant mes références de livres. J'ai toute une collection sur ma table, mais peu que je relis. Voici donc ceux qui font partie de cette liste restreinte :

  • Lean Enterprise de Jez Humble pour sa vision d'ensemble de l'entreprise agile. C'est pour moi l'objectif final à atteindre.
  • Product Development Flow de Don Reinersten. Tout est dedans, surtout quand on parle optimisation de flux.
  • Reinventing Organizations de Frédéric Laloux ou comment aller vers des organisations qui s'adaptent plus vite.
  • From 1 to 0 de Peter Thiel et Dealing with Darwin de Geoffrey Moore. Ce sont mes deux références en product development. Je ne les prend pas à la lettre car très anglo-saxons, cela donne cependant une bonne référence pour comprendre comment dépenser le moins de gaz possible pour avoir le plus de résultats.

InfoQ FR : Pour vous, quelle est la partie la plus intéressante de ce que vous faites ?

Samuel Retière : De voir que l'organisation bouge. C'est parfois frustrant car cela ne bouge pas aussi vite que l'on voudrait, mais cela avance et plutôt dans le bon sens. Un exemple : il y a un an, j'étais avec un collègue (Sébastien Tissot) à un évènement organisé par la communauté des chefs de projet sur l'avenir du chef de projet. Cela a commencé sur l'impact de la tablette et du télé travail jusqu'à ce que l'on donne la parole à Sébastien. Et là c'était parti... Nous avons un peu mis les pieds dans le plat ce jour là et cela a été positif. Nous avons pu avoir une discussion constructive sur le passage du prédictif à l'adaptif. Nous avons enfin de la planification avec prise en compte d'incertitudes et changement de scope possible. C'est souvent lors de ce genre d'évènements que l'on fait bouger la structure.

Le plus valorisant, c'est ce que j'appelle les cas médians. C'est ni trop facile où n'importe quel coach ferait l'affaire, et ni perdu d'avance. Quand on voit que l'on a aidé des personnes à atteindre leurs objectifs alors que cela n'était pas gagné d'avance, cela a un côté valorisant.

InfoQ FR : A l'inverse, qu'est-ce qui vous paraît compliqué dans la posture du coach ?

Samuel Retière : J'ai arrêté de me poser cette question. Nos clients internes nous attendent principalement sur une posture de type mentor. En début de coaching, je clarifie avec eux leurs attentes et donc la posture qu'ils souhaitent avoir en face d'eux. Je n'ai d'ailleurs quasi plus à le faire car depuis deux ans je ne fais presque que des coaching pour lesquels les équipes sont venues me chercher. Elles savent déjà comment je bosse.

InfoQ FR : Quelles sont vos plus belles réussites en tant que coach ?

Samuel Retière : Quand ce sont les équipes que j'ai coaché qui se mettent à tester d'elles-mêmes avant même que je leur propose. Cela m'est arrivé récemment, une équipe a commencé à utiliser le Popcorn Flow pour son amélioration continue. J'ai encouragé le responsable de l'équipe a allé au dernier Lean Kanban France et c'est là bas qu'il a découvert cette pratique.

Je suis aussi particulièrement content d'avoir pu travailler avec Jocerand Ducroux et Mickael Boitin qui sont des UX Designers. Nous avons mis 3 mois à nous comprendre, mais une fois passé ce délai, nous avons réussi à lancer du Lean UX.

InfoQ FR : Quels sont vos plus criants échecs ? Qu'en avez-vous appris ?

Samuel Retière : Tout d'abord, il faut faire attention à ne pas confondre succès/échec des équipes et succès/échec du coach. C'est par exemple compliqué de répondre à la question : Qu'est ce qu'un bon coach ? Nous avons plus un engagement de moyens. A mon niveau, je retiens deux échecs qui m'ont beaucoup appris pour la suite.

Le premier concerne un des mes premiers coaching. J'ai réussi à les aider à avoir un bon niveau d'agilité, mais cela ne s'est jamais vu côté client. La stack technique était tellement compliquée et imbriquée que nous avons été incapables d'être fluide. Pour tester l'application, il fallait faire une copie de la base de production et après lancer un run qui durait 3 jours. Heureusement, j'ai maintenant toujours un coach craft avec moi pour m'aider au cas où. Je ne crois pas du tout à la phrase que la technique est juste un enabler pour l'agilité.

Le deuxième concerne une équipe que je qualifie maintenant de perdu d'avance. Les managers n'avaient pas vraiment envie de faire de l'agilité et ils ont repeint les murs mais rien changé. J'ai galéré pendant 6 mois à essayer et encore 6 mois pour qu'ils acceptent officiellement de ne plus être coachés. Maintenant, je coupe les coaching en expliquant que je ne peux pas les aider et je ne laisse d'ailleurs pas le choix.

InfoQ FR : Comment percevez-vous le déploiement de l'Agile dans les organisations françaises ?

Samuel Retière : Agile is dead. Je pense que le mot Agile ne veut plus dire grand chose tant il est utilisé pour tout et n'importe quoi. Je pense par exemple au MOOC "Du manager au leader" qui est devenu "Du manager au leader agile" avec juste un nouveau chapitre. Si vous me demandez ce qu'est un leader agile, je n'en ai aucune idée. Je dirais par contre que les méthodes adaptives gagnent du terrain sur le bon vieux cycle en V prédictif. Ca me paraît par contre une mauvaise idée de s'arrêter là. Si la relation IT-Métier est déjà bonne, une méthode comme Scrum apportera peu de valeur. Je suis convaincu qu'il faut avancer de front sur l'organisation et la technique. Hors du continuous delivery point de salut. Je reste persuadé que les boites qui ne s'adaptent pas aujourd'hui sont les perdantes de demain. Après on ne va pas infliger de l'aide et je laisse ses structures mourrir dignement.

Le niveau en France me paraît bas. Quand je vois tout ce qu'il nous reste à faire alors que nous sommes dans le peloton de tête, je me dis que nous ne pouvons que progresser. Exit le sentiment de supériorité français, partons du principe que nous sommes en bas et que nous avons tout à apprendre.

InfoQ FR : Comment analysez-vous le développement du coaching agile sur les dernières années ?

Samuel Retière : Ca se développe. Je rigole quand je vois des titres Business developper-Coach Agile ou le gars qui est devenu coach agile deux ans après être sorti de l'école (vu sur linkedIn). En anecdote, je suis allé dans une autre partie de la Société Générale qui était censée utiliser du Lean Start Up. J'arrive là bas :

Moi : Ah cool, vous m'expliquez.

Manager : Et bien en fait, on fait pas vraiment du Lean Start Up, on applique la philosophie des pratiques.

Moi : Hein, désolé je comprends pas.

Manager : Bla bla bla, on a des équipes de 3 personnes, bla bla bla, elles changent d'équipes quasi tous les sprints, bla bla bla.

Moi : Allez salut.

Moi avec les autres coachs du centre Agile : Laissez tomber, ils font peut-être de l'Agile mais pas le même que nous.

InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent se lancer, par où leur conseilleriez-vous de commencer ?

Samuel Retière : Ca dépend se lancer dans quoi. Si c'est essayer une méthodo Agile, y'a des coachs Agile pour aider :-) Si c'est pour devenir coach, je dirais qu'il faut se demander ce que l'on veut faire après. C'est encore plus vrai quand on est interne. Une fois la vague terminée, il faut se trouver un nouveau point de chute. Cela peut être dans une autre entreprise si on est sur le devant de la vague ou sinon il faut trouver la prochaine vague. C'est un métier où il faut sans cesse se réinventer. C'est mon cas aujourd'hui, je ne sais pas de quoi 2017 sera fait.

InfoQ FR : Quelles sont les tendances qui vous ont étonné récemment et que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?

Samuel Retière : Je suis assez mauvais à ce jeu là. J'ai tendance à tester beaucoup de choses et je ne sais pas vraiment ce qui est innovant par rapport aux autres. Je garde une cible en tête à savoir ce que l'on pourrait appeler l'entreprise agile ou lean enterprise. Dans les ingrédients, certains sont actuellement plus rares que d'autres, comme l'UX, le Beyond Budgeting et le product development (cf mind the product). Si j'ai un conseil à donner à des coachs agile juniors, c'est de creuser ces sujets.

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