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La Voix du Coach - Séverin Legras

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La voix du Coach

A l'heure du digital et de l'Agile à l'échelle de l'entreprise, les offres pour accompagner les équipes et organisations dans ces mutations se multiplient, et la transition reste toujours délicate et longue. Pour démêler les discours, InfoQ FR propose un panorama hétéroclite de ces accompagnants de l'agilité, souvent appelés "coachs", pour donner une voix à ce "métier", et aussi un visage, des pratiques, des modes d'agir dans les organisations.

Cette série propose la vision de coachs français sur leur définition du coaching, leur parcours, leurs réussites et échecs, ainsi que des conseils et éléments de réflexion actuels.

Séverin Legras

Passionné par l’agilité, Séverin met en œuvre les principes agiles et nouveaux modes de management sur ses missions mais aussi au quotidien chez son employeur, en veillant à adopter une approche pragmatique et adaptée à chaque contexte. Il aime travailler au contact des gens, partager, challenger, bavarder, rire, et de temps en temps, déconnecter.

 

InfoQ FR : Pourriez-vous vous présenter et expliquer à nos lecteurs votre définition de votre métier ?

Séverin : En fonction de mes missions, je peux être coach agile, consultant en transformation numérique, formateur ou plein d’autres choses. J’accompagne mes clients sur le terrain et les aide à construire de meilleurs produits, de meilleures organisations. Dans mon approche, je suis en quelque sorte un facilitateur qui travaille avec des groupes et des personnes pour les aider à faire émerger des solutions à leurs problèmes.

InfoQ FR : Pourriez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a mené à votre pratique actuelle ?

Séverin : J’ai une formation d’ingénieur en informatique à l’ESIEA Laval. Je me suis naturellement tourné vers un cabinet de conseil quand j’ai cherché mon stage de fin d’études. J’ai passé 10 ans au sein du même cabinet, avec une évolution du développement sur progiciels en début de carrière vers l’architecture du SI et le pilotage de projets de plus en plus gros.

J’ai découvert certains principes agiles sur un projet de grande ampleur que j’ai piloté. Ce projet était une catastrophe économique et nous y avons expérimenté de nouvelles choses. C’est là que le déclic a eu lieu pour moi. Je me suis penché alors vers des lectures qui allaient définitivement me convaincre que la manière traditionnelle de gérer des projets était dépassée. Suite à mon arrivée chez mon employeur actuel, j’ai pu m’atteler au développement de ce rôle de coach agile, et surtout essayer de faire comprendre que l’agilité va beaucoup plus loin que de la gestion de projets. J’ai par exemple été pendant presque 3 ans « Chief Happiness Officer », un rôle que j’expliquerais comme celui d’un « sponsor du bonheur », et qui vise à fédérer et accompagner les initiatives permettant aux collaborateurs de se sentir bien au travail. Cela couvre l’intérêt des missions, les sujets transverses comme le mode de rémunération ou de promotion, le processus de recrutement ou le team building. C’est un formidable terrain de jeu pour expérimenter des principes de management novateurs, avec plus ou moins de succès d’ailleurs, c’est le propre de l’expérimentation.

InfoQ FR : Concrètement, comment se traduit votre métier au quotidien ? Qu'est-ce que vous faites ?

Séverin : La chose la plus intéressante dans ce métier, c’est qu’on se lève rarement pour faire la même chose que la veille. Les contextes variés amènent un immense plaisir à travailler. Mes journées sont donc remplies d’ateliers ludiques où on doit déplacer des pièces (« Penny Game »), reproduire des dessins (« Artists & specifiers »), jouer aux legos (Lego4Scrum), et évidemment coller des post-its (là, les ateliers sont innombrables mais j’aime bien le Vision 20/20 ou le Story Mapping).

Il y a aussi des moments de réflexion pour identifier sous quel angle je vais bien pouvoir attaquer la transformation de telle ou telle équipe. Et puis il y a aussi les moments de grande inconnue (et j’avoue que ça fait partie de mes préférés) où je suis sollicité par des personnes à qui on a dit qu’un coach agile pourrait les aider à structurer leur démarche ou animer leur atelier. Le challenge est double : obtenir un résultat, mais aussi convaincre qu’on apporte de la valeur. J’aime partir de zéro et trouver « en direct » une technique qui produit un effet bœuf sur les participants.

InfoQ FR : Quelles sont vos sources d’inspiration et de formation ?

Séverin : Ma plus grande source d’inspiration, ce sont les personnes que j’ai la chance de côtoyer au quotidien. Je privilégie l’échange avec les autres agilistes plutôt que la lecture assidue, bien que j’aime aller au bout de quelques bouquins de temps en temps. L’avantage, c’est qu’on peut débattre passionnément et s’enrichir mutuellement, c’est ma conception de la vie en communauté. Sinon? ma vision de l’agilité va beaucoup plus loin que les méthodes Scrum ou Kanban. On touche au management et à l’entreprise libérée, à l’intelligence émotionnelle et aussi au « craftsmanship » et au « DevOps ». Le spectre est tellement large que le domaine est passionnant. De mon côté, j’aime mettre en relation des maillons éloignés de la chaine, comme par exemple réfléchir à l’impact que le « DevOps » peut bien avoir sur le quotidien des directions métiers.

InfoQ FR : Pour vous, quelle est la partie la plus intéressante de ce que vous faites ?

Séverin : Un collègue coach que je côtoie répète sans cesse que la solution est dans les interactions. Moi j’aime multiplier les interactions, travailler dans des contextes variés plusieurs fois par jour, me servir des expériences d’ici pour alimenter les réflexions là-bas. Et surtout, j’ai oublié mon ancien rôle de chef de projet qui se limitait à 80% du temps à regarder des fichiers Excel ou Powerpoint devant mon écran. Aujourd’hui, je me balade la plupart du temps sans ordinateur, avec une petite pochette de feutres et des post-its, et ça me convient parfaitement.

D’autre part, la vitalité et la richesse de la communauté agile sont également un point fort. J’ai pu participer à plusieurs conférences ou meetups et j’ai rejoint cette année l’organisation de Lean Kanban France. La diversité des points de vue et l’ouverture au débat est un élément fondateur de l’amélioration continue. J’aime cet état d’esprit de partage au sein de cette communauté.

InfoQ FR : A l'inverse, qu'est-ce qui vous paraît compliqué dans la posture du coach ?

Séverin : La partie compliquée du métier, c’est de ne pas apporter soi-même la solution. Alexandre Boutin dit dans son interview qu’il est à la fois coach et consultant. Je partage son point de vue : en fonction des cas, nous sommes amenés à apporter des solutions.

Dans une formation sur le leadership agile que je donne actuellement, nous apprenons aux managers à retarder au maximum le moment où ils donnent la solution à un problème qui est rencontré par leurs équipes ou leurs collaborateurs. C’est applicable pour nous aussi les coachs : je peux voir le premier jour qu’une équipe sera bien plus performante en passant de Scrum à Kanban par exemple. Je n’aime pas être prescriptif, donc je vais essayer de leur montrer via des ateliers les différents points qu’ils pourraient changer. Au bout d’un moment, le déclic va arriver, et à ce moment c’est gagné car quand l’idée vient de l’équipe elle-même, la motivation pour la mettre en œuvre est au maximum.

InfoQ FR : Quelles sont vos plus belles réussites en tant que coach ?

Séverin : J’ai accompagné une équipe projet qui devait produire une toute nouvelle application pour mobile, et dans le même temps bâtir un nouveau socle technologique car l’ancien était obsolète. Un développement comme celui-ci mettait en général autour de 18 mois à sortir en production chez ce client, nous avons livré une première version en production au bout de 7 mois, puis une seconde 2 mois plus tard. C’était du jamais vu. Le PDG de cette entreprise internationale, quand il s’est rendu dans la filiale française, a demandé à visiter le plateau hébergeant cette petite équipe d’à peine 8-10 personnes. Les murs couverts de post-its et de burn-down charts détonnaient avec le reste du bâtiment. Un grand moment de fierté pour l’équipe.

InfoQ FR : Quels sont vos plus criants échecs ? Qu'en avez-vous appris ?

Séverin : J’ai parfois été missionné pour accompagner des équipes où le « manager du manager » décide que l’équipe doit devenir agile et inscrit cela dans les objectifs annuels du manager. Ce dernier ne jure que par l’obtention des indicateurs d’avancement de la transformation de l’équipe. C’est extrêmement contre-productif car souvent, ce type de manager n’a pas envie de devenir plus agile, et va donc par son comportement (volontaire ou non d’ailleurs) freiner considérablement la capacité d’innovation et d’adaptation de ses équipes.

Ma conviction est que tous les projets ne sont pas adaptés à l’agilité. Il existe encore des domaines pour lesquels le cycle en V fonctionne. Je conseille donc souvent à mes clients d’identifier les critères qui feraient dans leurs contextes que les projets devraient basculer en agile.

InfoQ FR : Comment percevez-vous le déploiement de l'Agile dans les organisations françaises ?

Séverin : Il n’y a pas aujourd’hui une entreprise française qui n’ait exploré au moins une fois l’agilité. Dans un marché qui s’oriente vers une réduction du cycle de vie des produits (avec l’obsolescence programmée notamment) et également un Système d’Information qui évolue vers l’exploitation des données et le « bimodal IT », l’agilité devient une composante indispensable du développement des entreprises, petites ou grosses. Certaines ont pris un virage très tôt et sont aujourd’hui en avance sur la concurrence, d’autres en sont à la phase d’expérimentation. Mais ce qui est certain, c’est que le train est en marche.

InfoQ FR : Comment analysez-vous le développement du coaching agile sur les dernières années ?

Séverin : Sur les dernières années, la demande d’accompagnement à la transformation étant de plus en plus forte, il y a eu de plus en plus de demande pour du coaching. C’est normal, et nous sommes à mon avis en train d’arriver au sommet de la « Hype Cycle ». Aujourd’hui, nous observons des modifications dans l’approche du coaching, avec une tendance à la standardisation et à la massification. Il reste encore beaucoup de travail pour de nombreux coachs agiles, et pendant encore quelques années. C’est toutefois un métier, comme bien d’autres, qui évolue vite et où il ne faut pas s’endormir.

InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent se lancer, par où leur conseilleriez-vous de commencer ?

Séverin : Pour devenir coach agile, il n’y a pas vraiment de recette. Il faut toutefois rassembler quelques ingrédients :

  • Une dose d’expérience de l’agilité sur le terrain
  • Une approche pragmatique et adaptée, non dogmatique
  • Une grosse part d’empathie et de bienveillance, car dans ce métier, ce sont avant tout des interactions
  • Une envie de partager, de discuter, de collaborer

Je me sens bien plus utile que dans mes précédents métiers, donc je ne peux que conseiller à ceux qui se reconnaissent dans ces quelques lignes de se lancer.

InfoQ FR : Quelles sont les tendances qui vous ont étonné récemment et que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?

Séverin : Je m’intéresse de près à l’entreprise libérée. J’ai beaucoup apprécié le documentaire qui est passé sur Arte il y a quelques mois : « Le Bonheur au travail ». Je pense que toutes les entreprises ne pourront certainement pas devenir « libérées », mais je suis convaincu également que le management traditionnel arrive à bout de souffle. Les nouveaux modes de management vont révolutionner la manière de travailler demain, et je veux être partie prenante de cette évolution.

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