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La Voix du Coach - Simon Jaillais

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La voix du Coach

A l'heure du digital et de l'Agile à l'échelle de l'entreprise, les offres pour accompagner les équipes et organisations dans ces mutations se multiplient, et la transition reste toujours délicate et longue. Pour démêler les discours, InfoQ FR propose un panorama hétéroclite de ces accompagnants de l'agilité, souvent appelés "coachs", pour donner une voix à ce "métier", et aussi un visage, des pratiques, des modes d'agir dans les organisations.

Cette série propose la vision de coachs français sur leur définition du coaching, leur parcours, leurs réussites et échecs, ainsi que des conseils et éléments de réflexion actuels.

Simon Jaillais

Facilitateur et coach agile, il accompagne des Hommes, des équipes, des organisations dans leur transition et évolution vers l’agilité.

 

InfoQ FR : Pourriez-vous vous présenter et expliquer à nos lecteurs votre définition de votre métier ?

Simon Jaillais : Je suis facilitateur et coach agile. J’aime résumer ces activités en disant que j’accompagne des groupes de personnes pour les aider à mieux travailler ensemble. J’aime préciser ensuite ma volonté de travailler sur le bon sens et l’humain. Facilitateur et coach agile sont deux métiers différents de mon point de vue, même s’il y a beaucoup de points communs. Ils s’enrichissent mutuellement.

Ma première activité, la facilitation, vise à accompagner un groupe (de 2 à 250 personnes) et de les amener, via des pratiques collaboratives, à atteindre un objectif pré-identifié avec un commanditaire. Les interactions du groupe, associées aux pratiques collaboratives, permettent d’impulser de l’intelligence collective. Une posture haute sur la forme et basse sur le fond. Un ami essentiel, la gestion du temps !

Ma seconde activité, le coaching agile, me permet d’accompagner des équipes, des organisations dans leur cheminement agile (culture, organisation, méthode, ...). J’aime dire que ces accompagnements permettent de remettre tous les acteurs de la chaîne de valeur dans une dynamique orientée produit. Je rejoins Romain Couturier sur une notion essentielle, qui est la création d’un cadre de confiance permettant d’évoluer.

InfoQ FR : Pourriez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a mené à votre pratique actuelle ?

Simon Jaillais : En 2004, je sors d’une formation industrielle. Je suis ingénieur en système de production. Je commence ma carrière pendant 4 ans dans une PME où je bascule dans le monde du développement. Je dois automatiser une chaîne de production artisanale. J’évolue dans un contexte d’experts. Mon job est de comprendre ce qu’ils font pour le simplifier. Dans un contexte PME orienté international, les interactions humaines sont fortes. J’adore ! La PME me donne l’opportunité d’avoir plusieurs casquettes. Je suis un fournisseur, un client, un développeur, un chef de projet. Je bascule dans le monde du service, je suis étiqueté développeur. 2008-2009, je rencontre un chef de projet extraordinaire qui me fait confiance et me propose de « basculer notre TMA en mode agile ». Je me forme. Je découvre une communauté si riche. Je lance mon réseau, je lis, j’idéalise, je me projette, je teste, je relis, j’échange. Je deviens ScrumMaster. Je commence mes premières sensibilisations. 2011, je me déplace vers l’ouest. On me repositionne développeur. Je serai développeur agile.

La communauté agile de Rennes avec ses références (Laurent Morisseau et Aurélien Morvant) m’accueille. Je m’y investis. Je commence mes premières expériences de coaching. 2013, je fais le choix de quitter mon entreprise pour construire mon projet professionnel. Je serai facilitateur pendant 2 ans au sein d’une organisation qui investit durablement pour faire évoluer sa culture. J’expérimente de nouvelles techniques, j’adapte, je grandis. Je me lance en tant que conférencier. Aurélien Morvant m’aide à grandir dans ma posture et mes pratiques de coaching. La communauté me donne aussi beaucoup, il est essentiel de lui rendre. Je m’investis dans l’Agile Tour Rennes et AgileLaval. Depuis 2 ans, j’alterne entre des accompagnements agiles et des missions de facilitation.

InfoQ FR : Concrètement, comment se traduit votre métier au quotidien ? Qu’est-ce que vous faites ?

Simon Jaillais : Pour pouvoir se mettre dans les conditions d’un coaching, il y a un gros enjeu autour de la compréhension du besoin, donc les phases de prises de brief sont extrêmement structurantes.

Ma semaine type commence par la préparation d’une formation. 70% de la réussite d’une réunion, d’un accompagnement, d’un séminaire, d’une formation se joue à la préparation. Il y a donc des temps réguliers pour préparer. Je fais un point avec un Product Owner et un Scrum Master d’un de mes projets. Je m’invite dans un Stand Up. Je prépare un séminaire pour 70 personnes, qui va bientôt se jouer. Pour ça, je fais un brief en utilisant les 7P de Jean-Claude Grosjean. Je fais un point de partage avec mes collègues (je fais partie d’une équipe de 9 coachs agiles) et on essaie de se parler régulièrement (ce n’est pas toujours évident). Je me déplace voir une des équipes que j’accompagne à Brest, Lannion, Nantes ou Paris. Je planifie un atelier de vision avec une organisation qui se pose des questions. Aucune semaine ne se ressemble. Il faut apprendre à dire non et apprendre à être présent au bon moment. Je me déplace beaucoup car il faut être au contact de ceux qui font.

InfoQ FR : Quelles sont vos sources d’inspiration et de formation ?

Simon Jaillais : Dans l’éco-système agile, il y a des références qui ont souvent écrit des livres. Ces livres arrivent vite dans ma bibliothèque. Je pense à Mike Cohn, Jürgen Appelo, mais aussi Claude Aubry et Laurent Morrisseau. En termes de lecture, je n’oublie pas les blogs comme celui de Jean Claude Grosjean, celui d’Agile Games France et InfoQ FR. Ma veille, je la fais tous les jours via Twitter.

Mes sources d’inspiration se trouvent aussi à l’extérieur de la sphère agile. La pédagogie agile de Christian Den Hartigh, les techniques de formation de « From the back of the room » de Sharon L.Bowman, les techniques de facilitation de l’ICT, l’open innovation de Bluenove, la Facilitation Graphique... Je ne peux oublier mon cercle proche, où j’y ai des instituteurs et des éducateurs spécialisés. Ils ont de nombreux et précieux conseils. Je les savoure, les adapte puis les propose à mes clients.

Il y a enfin l’improvisation théâtrale (comme Vincent Daviet). Créer LE cadre qui va permettre d’amener de la créativité dans le respect de l’autre avec un dynamisme extraordinaire. Je fais de l’improvisation théâtrale chaque semaine en entrainement et le week-end en spectacle. Dès que je le peux, j’utilise cette boîte à outils dans le cadre de mes accompagnements.

InfoQ FR : Pour vous, quelle est la partie la plus intéressante que vous faites ?

Simon Jaillais : Ce qui me passionne dans ce métier est de voir les gens évoluer, les voir s’approprier des techniques, des pratiques et les adapter pour devenir à leur tour des relais. Savoir disparaître au bon moment et voir les organisations/équipes continuer à évoluer sans moi. J’aime aussi me donner l’opportunité de revenir voir ces acteurs dans une posture basse pour voir les changements, les retours en arrière, les succès et les axes d’amélioration.

Il y a aussi la diversité des sujets. J’interviens sur un temps limité, l’investissement est fort au début puis diminue avec le temps. J’ai donc quelques projets en parallèle avec des niveaux de maturité différents. Je fais du coaching opérationnel, je m’initie au coaching d’orga, je fais de la facilitation et tout cela dans un cadre de clients et leurs produits très hétérogènes. Cela permet de capitaliser sur les pratiques. Cependant, quand on commence un coaching, on repart de la feuille blanche.

Un côté très passionnant de ce métier, c’est que l’agile n’est pas autre chose qu’une boite de Pandore qui s’enrichit par notre veille et notre curiosité. Savoir s’enrichir des expériences vécues et capitaliser des autres. Les communautés agiles partagent énormément. C’est super agréable. Il faut savoir s’investir pour lui rendre aussi.

InfoQ FR : A l’inverse, qu’est-ce qui vous paraît compliqué dans la posture du coach ?

Simon Jaillais : Dans le terme « coach agile », il y a le terme « coach ». Certaines personnes attendent de temps en temps des compétences que nous n’avons pas toujours. Ils attendent parfois un coach « personnel », ce qui nécessite une formation bien spécifique. Je connais un certain nombre de coachs agile qui sont par ailleurs « coach personnel ». Je ne le suis pas aujourd’hui, c’est un axe possible d’évolution ou de départ. Il faut clarifier ce qu’est un coach agile et ce qu’il n’est pas dès le départ avec les clients.

Une posture qui n’est pas simple à gérer quand on commence, c’est un côté « super héro ». Un client vient te demander de l’accompagner, il évolue dans un contexte complètement orthogonal à un contexte idéal et constructif pour engager un cheminement agile. De temps en temps, il se concentre sur la méthode et l’agile se résume à cela. Il faut aussi apprendre à s’écouter et apprendre à dire « non » à un accompagnement.

InfoQ FR : Quelles sont vos plus belles réussites ?

Simon Jaillais : En tant que facilitateur, l’organisation d’un Hackathon pour une grande banque a été un de mes plus beaux challenges. J’aime dire qu’un Hackathon est une cocotte-minute dans laquelle tu mets des gens du métier, des gens pour réaliser et en sortie tu as des embryons de produit et des équipes soudées et motivées.

En tant que coach agile, c’est l’accompagnement d’un gros projet réglementaire (en cours) dans le secteur bancaire (ils se reconnaitront). Une grosse équipe, des enjeux forts et attendus, des relations BToB... et une adhésion extra. Un acteur chez le client super motivé, impliqué et acteur de ce beau projet. Et des équipes qui te disent merci... Un vrai booster !

InfoQ FR : Quelles sont vos plus criants échecs ? Qu’en avez-vous appris ?

Simon Jaillais : En tant que facilitateur, un commanditaire me demande d’organiser un workshop pour aider un groupe à partager ensemble leurs visions de leur organisation demain. Les acteurs participent et s’enrichissent. A l’issue de l’atelier, à la présentation des résultats, le commanditaire assume le fait qu’il avait de toute façon déjà décidé ce qu’il allait faire. J’en ai tiré un enseignement très riche. Ma préparation et notamment mon brief ne m’avait pas permis de détecter le réel « Pourquoi » de mon commanditaire. Aujourd’hui, je prends plus de temps et j’aborde concrètement les notions de risque.

En tant que coach agile, je me suis entêté à vouloir mettre en place un cycle de vie Scrum dans une organisation qui ne souhaitait pas évoluer. Ce que j’ai appris, c’est que l’agilité n’est pas une baguette magique et qu’il ne faut pas vendre du rêve. Aujourd’hui, j’essaie vraiment de comprendre « pourquoi » mes clients souhaitent évoluer vers l’agilité et je les sensibilise immédiatement sur le fait que les méthodes agiles seront vécues comme une méthode de plus si on n’aborde pas les questions de culture.

InfoQ FR : Comment percevez-vous le déploiement de l’Agile dans les organisations françaises ?

Simon Jaillais : L’agilité évolue, s’adapte et se transforme. Je trouve que l’agilité est de mieux en mieux connue des top managers. Il reste bien entendu beaucoup de travail avant que toutes les idées reçues disparaissent. Je perçois une ouverture énorme au niveau accompagnement produit dans des contextes IT et hors IT.

InfoQ FR : Comment analysez-vous le développement du coaching agile sur les dernières années ?

Simon Jaillais : Je vois le nombre de coachs augmenter et finalement se spécialiser. Il y a les coachs opérationnels, les coachs techniques qui font le lien avec les démarches Devops, les coachs d’orga. Je constate aussi que les coachs agiles historiques continuent à impulser de l’énergie pour challenger les communautés et les clients.

Je constate une internalisation du coaching agile. Les grands comptes qui ont engagé des démarches agiles commencent à avoir dans leur éco-système des coachs agiles pour répondre à leur besoin. Je trouve cette démarche très intéressante. L’appel à du coaching externe permet aussi d’apporter d’autres points de vue.

InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent se lancer, par où leur conseilleriez-vous de commencer ?

Simon Jaillais : Empruntez un livre, regardez les conférences filmées par InfoQ =) rapprochez-vous d’une communauté agile locale, venez prendre une claque d’énergie positive à Agile Games France ! Faites quelques événements ! Tentez, capitalisez, créez une communauté de pratiques dans votre organisation, organisez un Forum Ouvert. Trouvez des espaces de jeux, posez vos questions... Tout un programme !

J’adore utiliser Twitter pour ma veille agile. Tapez le hashtag #Agile et vous tomberez sur une mine d’or. Repérez les profils intéressants qui communiquent au niveau qui sera le vôtre.

Personnellement, je finis toujours par acheter des livres. Je les ramène au travail et les mets à disposition de tous. Ca marche !

InfoQ FR : Quelles sont les tendances qui vous ont étonné récemment et que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?

Simon Jaillais : La tendance qui m’a toujours étonné (et qui continue de m’étonner), c’est de voir en formation des personnes qui viennent sans avoir expérimenté, lu quoi que ce soit. Je reste un très grand fan du « Test and Learn » et donc je suis toujours surpris de voir des gens en formation qui n’ont quasi jamais entendu parler d’agile et qui pensent (et des fois le revendique) maîtriser toutes les facettes de l’agilité en sortant de 2 jours de formation.

Une autre tendance est de revoir fleurir des consultants agiles qui se vantent de pouvoir faire du forfait agile ou d’avoir une Grosse expérience dessus. Cela m’interroge...

Une autre tendance est de voir beaucoup de coachs agile s’intéresser aux questions d’agile à l’échelle et une bonne partie d’entre eux critiquer SAFe ou LeSS. Je ne vois pas beaucoup de retours d’expérience sur SAFe en France. J’ai tendance à me dire que c’est un levier pour convaincre (rassurer ?) des décideurs... Je me trompe peut-être. J’aimerais tester !

La dernière tendance qui m’interpelle est que je constate que certaines communautés agiles et Lean recréent des silos entre elles alors qu’elles ont tant à apprendre les unes des autres.

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