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Tristan Nitot nous parle de FirefoxOS

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1. Bonjour Tristan. Merci d'accepter cette interview dans le cadre de la Kiwi Party. Tout d'abord, peux-tu te présenter ?

Tristan Nitot, 46 ans. Ça fait des années que je défends les standards du web. Je suis un ancien de Netscape. Je suis impliqué dans le projet Mozilla depuis 15 ans, dans différentes fonctions : bénévole, ensuite président de Mozilla Europe et maintenant je suis principal évangéliste et boute-feu ! Oui oui, c'est un titre !

   

2. Tu es venu nous parler de Firefox OS. Peux-tu nous présenter ce nouvel OS ?

Alors Firefox OS c'est un système d'exploitation pour Mobile qui est le premier à être entièrement réalisé à partir de technologies Web. C'est à dire que dans Firefox OS, tout ce qui s'exécute, tout ce qu'on voit, tout ce avec quoi l'utilisateur interagit, ce sont des applications qui sont en HTML5, JavaScript et CSS.

   

3. Il existe aujourd'hui de nombreux systèmes d'exploitation mobiles, alors pourquoi un de plus, Firefox OS ?

En fait on n'essaye pas d'être un concurrent d'Android ou d'iOS. Il y a une logique qui est liée à la notion de plate-forme. Une plate-forme sert à faire tourner des applications, et celui qui est propriétaire de la plate-forme a une influence énorme et il est donc extrèmement lucratif d'être une plate-forme, sauf que ce n'est pas intéressant pour tous les autres qui ne sont pas propriétaires d'une plate-forme. Donc ce n'est pas très bon par exemple pour les développeurs, car ils dépendent du bon vouloir du propriétaire de la plate-forme. Ce n'est pas très bon non plus pour les utilisateurs car quand ils veulent changer de plate-forme, ils sont obligés d'abandonner leurs applications, peut-être même leurs données, avant de transférer vers une autre plate-forme. Évidemment, les propriétaires de la plate-forme font tout pour les garder chez eux et avoir une influence sur eux. Et puis un jour est arrivé - et on a connu ça sur nos PC - le web. Et le web a mis tout le monde d'accord. Il n'y avait plus besoin de faire des applications pour Windows, et puis une autre version pour le Mac, et puis encore une autre version pour Linux. À partir du moment où on faisait une application web, ça tournait partout. Et la preuve en est, aujourd'hui, Facebook, 1 milliard d'utilisateurs, n'a pas d'application Facebook pour Windows, ce serait totalement ridicule. Il y a une application Facebook pour le web qui tourne n'importe où du moment que l'on a un navigateur. Donc ça, ça existe sur le PC, et c'était un vrai progrès. Le web est une plate-forme mais ce n'est pas une plate-forme qui est la propriété d'une seule entreprise commerciale. C'est une plate-forme qui appartient à tous. Et en fait c'est ce qu'on veut faire à nouveau sur les smartphones, puisqu'en fait il s'est vendu plus de smartphones en 2012 que de PC. Et donc ca y est, le monde a déjà basculé, même si on ne s'en rend pas forcément compte, vers le mobile. Et on veut que le web soit la plate-forme de choix pour le mobile aussi.

   

4. Mozilla a-t-il choisi de développer ses propres téléphones ou êtes-vous en train de travailler avec des constructeurs ? Et si oui, avez-vous des exigences ou des limitations vis-à-vis du matériel ?

Alors en fait Mozilla ne sait faire que du logiciel, et avant ce n'était qu'une application. On va plus loin, de Firefox, on fait FirefoxOS, un système d'exploitation mobile. Mais on ne fait que du logiciel ! Et donc on va s'associer et on a déjà commencé à signer des contrats, avec 18 opérateurs, et peut-être plus dans le futur, qui, eux-mêmes, travaillent avec des constructeurs, et on va définir ensemble comment, Mozilla fait le logiciel, le constructeur fait le matériel, l'opérateur décide du marché et du prix et des caractéristiques du matériel. Donc nous on ne s'occupe pas de ces choses là, on fait juste du logiciel, et là, dans les jours à venir, peut-être même au moment où vous posterez la vidéo, on va sortir des téléphones sur FirefoxOS. Mais en fait ce sont les opérateurs qui vont sortir ces téléphones dans leurs boutiques avec leur réseau, et en fonction d'un cahier des charges qu'ils auront décidé avec les fabricants de matériel.

   

5. Penses-tu que HTML5 soit prêt à relever tous les défis qui seront imposés par l'arrivée de Firefox OS et qu'est-ce qui pourrait être bloquant ou gênant ?

Il n'y a pas si longtemps que ça, HTML5 ne savait pas faire des choses qui sont indispensables. Et donc c'est là que c'est intéressant en fait HTML5, c'est en pleine évolution, et que l'on a travaillé au sein du W3C, avec d'autres gens qui travaillent sur la standardisation Web, à faire ce que l'on appelle les Web API, donc les API du web où on rajoute des fonctionnalités dans HTML5 qui sont manquantes pour répondre à tous les besoins d'un web mobile sur Firefox OS. Donc par exemple la géolocalisation, pouvoir utiliser le GPS pour savoir où l'on se trouve, avec l'accord de l'utilisateur, mais il y a aussi des choses comme le niveau de batterie, combien il reste de batterie ; est-ce que le téléphone est à l'oreille ou bien est-il de face, grâce à un détecteur de proximité, il y a une orientation... Et donc pour tout ça, on a créé des APIs qui sont en cours de standardisation, de façon à ce qu'une appli web mobile pour FirefoxOS fonctionne partout.

   

6. Pour percer sur le marché des OS Mobiles, vous espérez attirez un maximum de développeurs vers Firefox OS, comment comptez-vous vous y prendre pour inciter les développeurs à créer ou porter des applications pour Firefox OS ?

Alors effectivement, un smartphone cela veut dire que l'utilisateur a des attentes en termes d'applications. Alors on fait des partenariats avec des grands noms de l'application, ça c'est une première chose. Mais il y a notre botte secrète qui est le fait que toutes les applications de Firefox OS sont écrites en HTML5. Et des développeurs HTML, il y en a entre 8 et 10 millions dans le monde. Ce qui est beaucoup beaucoup plus que des développeurs iOS ou des développeurs Android. Donc on a un potentiel pour toucher des développeurs qui est beaucoup beaucoup plus large, et puis les développeurs eux-mêmes savent qu'en développant en HTML5, ça va tourner nativement sur Firefox OS, mais ils utilisent aussi HTML5 pour faire des applications qui ensuite, avec des outils comme PhoneGap, vont être capables de tourner sur Android comme si c'étaient des applications natives, et sur iOS comme si c'étaient des applications natives. Il y a de plus en plus de développeurs, parce qu'ils en ont marre de réécrire deux ou trois fois leurs applications, pour différentes plates-formes, sans compter les futurs Ubuntu, Tizen, Windows, etc... qui veulent absolument cette troisième place ; ils ne veulent pas écrire 17 versions de la même application. Ils l'écrivent une fois en HTML5 et ensuite ils vont l'emballer avec des outils façon PhoneGap pour la faire tourner partout. Nous on fait tourner nativement ces choses-là. Je pense que cela a beaucoup d'intérêt pour les développeurs de dire "je vais l'écrire en HTML5 et ça va tourner partout".

   

7. Avez-vous défini des objectifs afin d'évaluer la réussite du projet ?

En fait, tout ce que l'on veut chez Mozilla, c'est de l'influcence, de l'influence pour amener le web dans la bonne direction et qu'il soit là où c'est le plus utile à tous, et pas simplement à quelques grands acteurs commerciaux. Donc pour cela il va falloir des parts de marché, mais déjà les téléphones firefox OS ne sont pas encore sortis pour le grand public. Il y a juste quelques milliers d'exemplaires pour les dévelopeurs, et déjà on voit l'influence que ça a, et ça pousse tous les autres dans l'industrie à aller dans cette direction-là, et c'est une excellente chose parce que nous, nos objectifs ne sont pas que Mozilla gagne, nous ce que l'on veut, c'est que le web gagne.

   

8. Tu parlais donc des téléphones. Vous vous êtes lancés principalement sur les marchés émergents avec des téléphones à bas coût. Peut-on imaginer voir certains téléphones plus haut de gamme sortir sur FirefoxOS, peut-être en France dans pas très longtemps ?

Nous en avons discuté avec nos partenaires opérateurs, et ils nous ont dit, avec un logiciel qui est relativement jeune, qui n'a pas des dizaines d'années de développement derrière, c'est une version 1.0, elle est forcément simple et un petit peu rustique. Et grâce au fait que ce soit très économe en ressources, ça tourne sur du matériel qui est très bon marché. Nos opérateurs aujourd'hui, pensent sortir des téléphones à moins de 100 dollars de coût matériel, ce qui est donc 6 à 8 fois moins cher qu'un iPhone. Et donc évidemment, ça c'est quelque chose qui va être très intéressant sur un segment de marché qui est le pays émergent, ou en voie de développement, ou des endroits où les gens ont, dans d'autres pays, comme des pays de l'Est par exemple, des téléphones simples, et ont envie de passer aux smartphones. Seulement, ils sont dans des économies où ils ne peuvent pas se permettre de mettre 600 à 800 euros dans un iPhone. Ils vont donc pouvoir s'offrir un smartphone sous FirefoxOS, c'est donc le marché qui a le plus de sens pour l'instant. Mais rien ne nous interdit, avec le temps qui va passer, de monter en gamme, d'avoir du matériel plus puissant, pour attaquer des marchés où les gens ont plus d'argent à dépenser, mais aussi des exigences plus élevées. Et puis à terme, pourquoi pas faire des tablettes. Il faut garder à l'idée que Firefox OS, c'est du logiciel libre, tout le code source est disponible sur Internet, si vous voulez le télécharger. Et on a déjà vu des partenaires, des fabricants de matériel, qui l'ont téléchargé, et qui disent "voilà, moi j'arrive à le faire tourner sur tel ou tel prototype". Pour l'instant notre énergie est focalisée sur du smartphone, à destination de marchés émergents, où il y a des besoins de smartphones peu coûteux.

   

9. Dernière question : quelles sont les prochaines échéances pour FirefoxOS ?

Il faut le lancer, déjà ! Il va falloir remplir notre magasin applicatif, le faire connaître. On a une marketplace, il faut la remplir avec des applications, il faut convaincre les développeurs web de développer pour FirefoxOS et pour le web mobile en général, et puis après on verra. Ensuite une nouvelle version de FirefoxOS, des téléphones avec du matériel plus complexe, de nouveaux marchés, et plus d'influence pour toujours faire un web libre, ouvert et participatif.

   

10. Merci beaucoup Tristan d'avoir répondu à nos questions !

Ça m'a fait plaisir ! Au revoir.

09 janv. 2014

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