BT

Diffuser les Connaissances et l'Innovation dans le Développement Logiciel d'Entreprise

Contribuez

Sujets

Sélectionner votre région

Accueil InfoQ Interviews Lean Startup avec Nicolas Deverge

Lean Startup avec Nicolas Deverge

Favoris
   

1. Bonjour Nicolas, peux-tu commencer par te présenter ?

Bonjour, je suis Nicolas Deverge. Je suis Toulousain et je travaille chez Ekito, une société de conseil et d'expertise Toulousaine qui est en train de devenir accélérateur de startups. Cela fait 7 ans que je suis chez Ekito, j'ai commencé en tant que programmeur et c'est une activité que je continue à mener - j'adore programmer, je suis un geek quoi ;) - Il y a 4 ans, j'ai fait de l'accompagnement agile dans tout type de structures - grosses boîtes, PME et aussi startups - et depuis 2 ans, je me suis vraiment spécialisé sur l'approche lean startup pour pouvoir réellement travailler en amont de l'agilité. L'agilité, c'est "Comment bien faire le produit", alors que le lean startup, c'est "Comment faire le bon produit" - le produit qui intéresse vraiment les utilisateurs.

   

2. Donc un développeur qui accompagne d'autres développeurs. Qu'es-tu venu présenter à Lean Kanban France ?

Un sujet sur le lean startup justement. J'ai mis en oeuvre la méthodologie sur un petit projet personnel (mené le soir et le week-end). J'ai développé une solution pour que si vous perdez vos clés dans la rue, elles puissent revenir vers vous. En fait, j'ai créé un petit porte-clés, sur lequel il y a un code unique et le nom d'un site internet, si une personne trouve les clés dans la rue, elle rentre ce code sur le site, il y a un formulaire et on laisse un message.

   

3. Est-ce que cette solution est ton idée de départ ?

Cette expérience est mon second projet personnel avec l'approche lean startup. Je suis tombé dans tous les travers de l'entrepreneur (classique ! - tout ce que je dis/enseigne, je ne me l'applique pas) : les oeillères, la tête dans le guidon, manque de recul complet - ce qui me permet aussi de m'expérimenter sur le sujet. Quand on a un projet entrepreneurial, il est important de voir si on résout un problème. Dans mon cas, j'avais une solution - le porte-clés - mais est-ce que perdre les clés est un vrai problème pour les gens ? Oui, c'en est un. Mais durant le projet, j'ai appris un certain nombre de choses. Par exemple, quand les gens perdent leurs clés, ils ne sont pas en recherche de solution, c'est la fatalité, donc ils ne vont pas aller chercher sur Google un moyen pour ne plus perdre leurs clés. Du coup, mon plan initial - en lisant sur tous les blogs et articles "vous allez être riches en faisant de l'AdWords, plein de monde viendra chez vous" - ne marchait plus du tout. Les gens de viendront pas vers moi car ils ne cherchent pas à résoudre ce problème. C'est une réponse que j'ai apporté tard dans le projet car ayant une formation technique, étant développeur, je me suis embarqué directement dans la solution. Et c'est ce que font la plupart des entrepreneurs - être dans la solution plutôt que dans le problème.

   

4. Comment est venue cette idée de travailler en lean startup ?

On a découvert le lean startup avec un collègue chez Ekito. On bossait beaucoup en agilité, mais régulièrement on faisait des choses qui n'intéressaient pas les utilisateurs. On avait beau discuter de la valeur (user story) en développement logiciel, il manquait cette phase amont sur l'idée, et c'est là où on a découvert sur internet pas mal d'articles autour du lean startup. Ensuite, on a creusé le sujet, notamment avec le livre d'Eric Ries qui présente une méthodologie plutôt théorique du lean startup. Puis avec le livre d'Ash Maurya, Running Lean qui est beaucoup plus pratique et qui explique les étapes à suivre pour mettre en oeuvre le lean startup.

   

5. Donc pas mal de lecture... et l'envie de passer à l'action ?

Ne pouvant pas avoir qu'une approche littéraire du sujet, rapidement, je me suis lancé dans des petits projets qui me permettaient de mettre en oeuvre ces principes là. En tant que développeurs, on a tendance à ne jamais se lancer car on trouve que la récompense va arriver un peu trop tard (par rapport au coût initial). Alors qu'avec le lean startup, l'idée est de commencer très rapidement, d'itérer très vite sur des ensembles, d'être très lean sur ce qu'on met en place, pour pouvoir atteindre des objectifs très rapidement.

   

6. Et ton retour sur ton expérience du porte-clés ?

Par rapport à cette expérience que j'ai présenté au Lean Kanban France, grosso modo j'avais un certain nombre d'objectifs : 1) Me faire plaisir, sans que ce soit une contrainte. 2) Pourquoi pas gagner un peu d'argent. 3) Un budget initial fixé à 150€. Quant au temps, pas de limite particulière. Aujourd'hui, seul l'objectif de l'aspect commercial n'est pas atteint, notamment dû au fait que je ne souhaite pas investir en marketing pour le faire connaître. J'ai finalement dépenser peu d'argent pour apprendre que le marché n'existait pas. J'ai donc pris peu de risque et je suis arrivé rapidement à la conclusion que ça ne fonctionnait pas.

   

7. Du coup, cela nous donne un petit écho sur ton aventure Ekito. Ce métier d'accompagnement en lean startup est-il dans un incubateur ?

Chez Ekito, on est en train de monter un accélérateur de startups - ce qui est arrivé un peu par opportunisme. Historiquement, on travaille pour des grosses ou moyennes entreprises (Airbus, le CNES, Rockwell Collins...) et on est plutôt sur la partie IT (architecture, infra...). On est venus progressivement sur la partie Agile. Finalement, c'est un peu dans l'ADN de notre organisation, on est une petite structure avec moins d'une vingtaine de salariés, tout le monde est autonome, électron libre. Et depuis 2 ans, on commençait à avoir des startups qui venaient nous voir pour la partie implémentation technique. On a alors découvert un peu plus ce monde des entrepreneurs/startup-ers, et on est depuis en train de structurer une offre autour de ça. Ekito propose : 1) De la recherche de financement - public, et en ce moment privé, avec la mise en place d'un fonds. 2) Les aspects Design/Branding/Wording, pour la marque afin de mettre en place une identité autour du produit. 3) L'approche méthodologique autour du lean startup (sur laquelle j'interviens).

   

8. Est-ce que ce sont surtout des équipes de développement, des produits web, quels types de startups accompagnez-vous ?

Il y a de tout. Ce sont essentiellement des services sur le web, mais par exemple, là, on un chercheur (un pur) qui travaille sur les marées terrestres (au lieu de faire des forages intrusifs) afin de comprendre un peu mieux de quoi sont constitués les sols. Il a déjà identifié un marché après avoir publié dans une revue scientifique et reçu pas mal d'échos. N'étant pas du tout sur la partie business (approche, les dossiers, pour trouver les financements, etc), il vient vers nous pour qu'on l'aide à se structurer.

   

9. Pour revenir sur cet axe (l'industrialisation), vous aidez vraiment des gens à se mettre en place, vous êtes un incubateur intrusif pour le coup.

Effectivement. Pour le coup, on emploie le modèle des Company Builders qui vient des Etats-Unis. Le modèle traditionnel des accélérateurs de startups est le Mentoring, avec des experts d'un sujet qui viennent présenter ce dernier pendant une durée déterminée, ce qui reste assez théorique. Alors que nous, notre objectif est vraiment d'être au coeur des projets. Quand j'accompagne en lean startup, je ne fais pas seulement une présentation théorique, je suis avec l'entrepreneur, on essaye de voir ce qu'on pourrait faire en termes d'MVP (Minimum Valuable Product), ce qu'on pourrait mettre en place pour être rapidement sur le marché, pour apprendre comment les utilisateurs emploient l'outil et itérer très vite. En fait, quand l'entrepreneur vient nous voir au départ, on cherche au maximum à le challenger, à savoir si son produit résout un problème - assez douloureux que les gens seraient prêts à payer pour utiliser la solution - et à savoir s'il a bien ciblé un segment client. Une question importante également à se poser : ok, on a identifié des clients potentiels, mais où se trouvent-ils, comment les atteindre ?

   

10. Company Builder", c'est construire une entreprise, une équipe aussi ?

Tout à fait ! Chez Ekito, il y a la partie accompagnement méthodologique. On fait également le prototypage technique, le MVP. On peut faire aussi le passage de ce MVP à un mode plus industriel et aider à monter l'équipe du point de vue technique en faisant de l'aide au recrutement. Souvent, on a des entrepreneurs qui ne sont pas du monde technique, donc ils ne savent pas recruter, ce qui est normal. On est un petit peu comme un CTO Proxy, on vient remplacer le CTO que ces entrepreneurs n'ont pas forcément.

   

11. Finalement, des gens recherchent des équipes prêtes à travailler sur des idées qu'ils ont ?

C'est ça. Personnellement, je suis impressionné par le nombre d'entrepreneurs qu'on peut croiser. Comparé à Paris, Toulouse n'est pas une très grande ville, mais on a en moyenne entre 1 et 2 entrepreneurs par semaine qui viennent nous voir.

   

12. Vous allez bien nous faire une conférence autour de ça ?

Effectivement. Le 20 novembre, on organise à Toulouse la FailCon (prochaine édition le 18 juin 2015) qui est une conférence qui vient des Etats-Unis et qui n'est pas forcément que dans le domaine de l'IT. Le principe de la FailCon, ce sont des personnes/entrepreneurs, soit qui ont fait un fail avec leur projet, soit qui ont pivoté - c'est à dire par rapport à l'idée qu'ils avaient au départ, cela a complètement changé.

   

13. Que retiens-tu de cette aventure, comment passe t-on de développeur à lean startup, accompagnement, incubateur ?

Par curiosité. En tant que développeur, j'ai envie de développer des produits qui soient vraiment utilisés derrière. Le lean startup, c'est vraiment ce qui m'a permis d'en arriver là. Cela a été le déclic pour oser.

23 juin 2015

BT