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Du Lean startup au Lean scale up

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Avec le tout digital et la recherche par tous de la licorne à un milliard, le mot agile finit par perdre tout sens et finit par regrouper aussi bien des méthodes dont Scrum est la plus connue, que des discours et beaucoup de marketing, en oubliant parfois les valeurs du manifeste agile. A l'inverse, et avec presque trente ans d'existence, le Lean IT continue de se développer et de capitaliser sur les retours d'expérience des membres de sa communauté pour faire émerger de meilleures pratiques contextualisées et faire kaizen.

Parmi les conférences de cette communauté, le Lean IT Summit est LA conférence européenne. Après une édition 2015 orientée Lean Startup, le thème de cette année sera "du Lean startup au Lean scale up". Le Lean IT Summit se déroulera à Paris les 14 et 15 mars 2017. Nous avons eu l'occasion d'échanger avec Marie-Pia Ignace, organisatrice du LIS.

 

InfoQ FR : Le Lean IT Summit est un évènement riche en retours d'expérience et en personnalités. Quels seront les moments forts de cette édition ?

Marie-Pia Ignace : Jez Humble ! Nous sommes fiers qu'il ait accepté notre invitation pour venir nous parler de DevOps et Continuous Delivery. Faits marquants de cette 6ème édition, une affiche féminisée, ce qui nous fait bien plaisir : Amy Evans parlera de Lean IT leadership chez Nordstrom, deux Agilistes parleront transformation agile et Lean : Maryia Breyter de chez Dun & Bradstreet et Mirette Kangas du groupe finlandais audiovisuel YLE, mais aussi Mélanie Melot et Claire Jolimont pour un témoignage autour du management visuel dans l'enseigne IDKIDS. Côté experts, nous sommes ravis d'accueillir à nouveau Pierre Masai, le CIO de Toyota Motor Europe, toujours une référence pour tous ceux qui font du Lean dans l'informatique. Ainsi que Mike Orzen et Steve Bell, pionniers du Lean IT.

InfoQ FR : Cette année, Jez Humble est donc un de vos invités de marque. Etant surtout connu pour les aspects DevOps, quels liens faîtes-vous avec avec le Lean ?

Marie-Pia Ignace : Le « continuous delivery » dont Jez Humble est le grand expert, représente en informatique l’idéal Lean du « one piece flow » : prendre la commande, construire immédiatement le produit demandé avec toutes ses spécificités et le livrer. Je visite beaucoup d’équipes de développement en charge de l’évolution des systèmes. Lorsqu’elles se lancent dans le lean, elles reclassent les demandes de leurs clients en fonction de leur simplicité : s’agit-il d’une évolution (50 à 75% des demandes) ou d’un projet nouveau ? Et puis, c’est la magie du lean, toutes ces petites demandes qui représentent une attente forte des utilisateurs pour améliorer leur utilisation du système se retrouvent traitées en « one piece flow ». Les délais de réalisation sont réduits de façon considérables, parfois divisés par 100 ! Ensuite, tout ralentit à nouveau : la fonctionnalité construite ou améliorée est posée dans un batch et attend des semaines ou des mois la prochaine mise en production. C’est tellement dommage ! En effet, les demandeurs sont demandeurs d’une évolution qu’ils peuvent utiliser, pas d’une promesse future. LA promesse du « continuous delivery » est de réduire à nouveau les délais en rendant possible le « one piece flow » aussi pour la mise en production. L’amélioration aura alors lieu de bout en bout, de la demande du client utilisateur à la mise à disposition de l’évolution pour ce client. C’est pour cela que l’intervention de Jez Humble s’inscrit bien dans le Lean IT Summit. Elle répond à plus qu’une curiosité des praticiens Lean IT, plutôt à vraie recherche de méthodes solides pour délivrer la valeur aussi vite que possible.

InfoQ FR : Cette année encore, vous ouvrez le Lean IT Summit avec des "Masters Class". Quels seront les sujets ?

Marie-Pia Ignace : Nous avons la chance d'avoir des grands experts qui animent 4 masterclasses, 3 d'entre elles se dérouleront le 13 mars :

  • Il ne faut pas rater la seule formation animée par Jez Humble en Europe ce semestre, elle sera consacrée au Continuous Delivery.
  • Mike Orzen expliquera comment et par où véritablement démarrer une démarche Lean IT.
  • Si vous souhaitez livrer vos projets IT plus rapidement et dans le cadre d’une bonne ambiance de travail entre les contributeurs, participez à la masterclass Obeya de Pierre Jannez et Edmond Nguyen.
  • Enfin, le 16 mars, Steve Bell et Karen Withley Bell expliqueront l'apport du Lean au Big Data et à la transformation digitale.

InfoQ FR : Le thème de cette année est "du Lean startup au Lean scale up". Comment définiriez-vous le Lean scale up et qu'est-ce qui fait le sens pour un tel thème ?

Marie-Pia Ignace : Le « Lean scale up » est le fil conducteur pour passer à l’échelle. Dans le monde Lean, on appelle cette approche le « hoshin ». Il s’agit d’abord de définir ce que l’on souhaite réussir. Il y a deux questions sous-jacentes au « scale up » :

  • Comment la startup qui rencontre le succès peut-elle garder son agilité et son sens du marché ? Aucune d’entre elles ne souhaite construire une DSI ou une R&D bureaucratique et pourtant elles peinent à l’éviter.
  • Comment la grande entreprise peut-elle passer de son laboratoire interne d’innovation (beaucoup d’entre elles ont des « factory » en lean startup) à une nouvelle culture proche du client, réactive, collaborative qui touche toute la DSI ?

Ensuite on identifie ce que l’on sait faire et ce que l’on doit apprendre, et on se construit un programme déploiement et d’exploration qui permet de rester au plus près des objectifs fixés. Le hoshin permet de voir très vite les divergences et d’affiner/améliorer le plan de passage à l’échelle. Je connais un éditeur de progiciel de business intelligence pour la banque. Ce sont des Agilistes hors pair qui savent construire les produits très techniques que recherche leur marché et ils savent les commercialiser. Ceci dit, que souhaitent-ils réussir et à quelle distance sont-ils de ce succès recherché ? C’est une question qu’ils explorent avec le Lean. Pierre Masai, le DSI de Toyota Europe, nous expliquera comment fonctionne le hoshin et comment lui, le met en œuvre.

InfoQ FR : Utiliser les principes du Lean pour le scale nous replonge dans l'histoire de Toyota. Dans le monde de l'IT, quels sont les retours observés ?

Marie-Pia Ignace : L’impact le plus marquant du Lean dans le monde de l’IT est vraiment l’impact managérial. Le DRH d’une très grande ESN française me disait dans la même phrase qu’il n’était pas intéressé par le Lean mais qu’il en voulait dans tous ses centres. J’en étais étonnée et il m’a expliqué qu’on ne peut plus attirer des jeunes brillants en leur proposant le cadre managérial vieux jeu, ancré dans la séparation des tâches et le contrôle. Le Lean management est l’alternative la plus crédible aujourd’hui pour tourner la page du taylorisme.

J’ai eu la chance de le voir en pratique lors d’une visite des Etudes de la DSI d’ING à Amsterdam, 1 500 personnes. J’y ai vu une informatique heureuse et j’espère que David Bogaerts, qui viendra témoigner au Lean IT Summit, saura en expliquer l’origine aux participants.

InfoQ FR : Avec les quelques années de retour, le Lean Startup est-il en fin de vie, et qu'a-t-il apporté ?

Marie-Pia Ignace : L’Etoile du Nord de Toyota, c’est la satisfaction complète du client. Akio Toyoda, l’actuel président de Toyota, dit ainsi que toute l’entreprise travaille pour « le sourire du client ». Ce sujet semble une évidence avec la diffusion mondiale d’une culture digitale, mais c’est une évidence récente. Uber rencontrerait-il un tel succès à Paris si les chauffeurs de taxi avaient à cœur d’obtenir le sourire du client ? Une fois l’évidence admise, comment s’y prendre ? Le risque est d’aborder cette question avec des réponses traditionnelles qui ont perdu de leur efficacité (groupes d’expression etc…).

Ce qu’a apporté le Lean startup, c’est une façon structurée d’explorer les points clé contributeurs à cette satisfaction, ceux qui produiront un effet « waouh » pour la conception de nouveaux produits. J’en retiens deux pratiques Lean :

  • Une démarche d’exploration par expérimentations rapides et peu coûteuses, conduites avec rigueur. C’est tout l’esprit du PCDA (Plan Do Check Act) au cœur du Lean.
  • L’observation des faits sur le terrain, avec de vrais clients, pour se forger une meilleure opinion de la réalité. On l’appelle le « genchigenbutsu » et c’est redoutable !

InfoQ FR : Depuis quelques années, le mot remplaçant le terme "Lean" est "frugal", que ce soient les entreprises, l'innovation. Quelles sont les similarités et différences que vous tracez entre le Lean et cette tendance ?

Marie-Pia Ignace : En ce qui concerne l’innovation, avec le Lean, on est en permanence en recherche de la solution élégante (cf « the elegant solution » M. May), celle qui résout complètement le problème du client tout en ayant une mise en œuvre facile dans l’entreprise et un impact sur le monde le plus favorable possible. Dans ce contexte, je suis très sensible à l’eXtreme Programming et son idéal de code impeccable. Ceci dit, le produit que l’on conçoit dans cet esprit et qui trouve son public n’est pas toujours frugal :

  • Un exemple frugal : j’ai visité une entreprise japonaise qui produit notamment des interrupteurs. Elle a une part de marché de 80% au Japon et vend son produit 2 fois plus cher que ceux de ses concurrents. La raison : la structure même de l’interrupteur évite toute erreur de pose et donc de re-travail pour les ouvriers.
  • Un exemple moins frugal : Wiremold produit et commercialise des câbles électriques à installer dans les doubles plafonds. Pour répondre à une insatisfaction de ses clients, elle fait appel à un designer pour revoir l’apparence de ses câbles et les rendre « beaux ». Le chiffre d’affaires explose !

Les deux approches sont pourtant parfaitement Lean puisqu’elles sont alimentées par une réflexion fine sur la valeur attendue par le client. En ce qui concerne l’entreprise frugale, je suis convaincue que le Lean a à apporter sa contribution, notamment dans le monde de l’informatique dont l’impact sur l’environnement est de mieux en mieux cerné et s’avère très élevé. Je connais un responsable d’infrastructures très sollicitées qui a choisi de conduire des kaizen (actions d’amélioration) sur la consommation électrique de ses serveurs. Il a réussi à la réduire de 9% en quelques années et en est fier. Je pense aussi à des développeurs qui réfléchissent à des requêtes moins gourmandes en échange de données, toujours pour réduire les consommations d’énergie, et qui explorent le sujet avec le Lean. Nous aurons d’ailleurs un exemple d’écoconception logicielle présentée par Bruno Thomas qui a réussi à réduire de presque 25 % l’empreinte écologique de son site en appliquant les principes Lean.

InfoQ FR : Pour conclure, parmi les ressources récentes que vous avez vues/lues/écoutées, lesquelles vous ont marquée ?

Marie-Pia Ignace : J’ai beaucoup aimé la série Silicon Valley qui balaie de façon géniale tous les thèmes dont nous avons parlé : concevoir un produit, passer à l’échelle, manager, etc... Et j’attends avec impatience « Lean Strategy », à paraitre fin mars et dont le sous-titre est prometteur : « Using Lean to Create Competitive Advantage, Unleash Innovation, and Deliver Sustainable Growth ». Nous en aurons un aperçu lors de la Keynote de Dan Jones, le 14 mars, lors du Lean IT Summit.

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