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Déploiement des OKR @Dashlane

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La définition de la performance reste l'un des objectifs majeurs des entreprises. Avec de nombreuses tentatives et schémas habituels, Intel propose un format nommé OKR(Objectives Key Results), popularisé par Google. Les OKR sont un moyen de fixer les objectifs à tous les niveaux de l'organisation en positionnant des résultats clés attendus sous la forme de métrique.

Dans son évolution, Dashlane a déployé les OKR depuis plus d'un an comme vecteur de sa transformation agile. Frédéric Rivain, CTO de DashLane, a présenté son retour d'expérience sur la mise en oeuvre des OKR lors d'Agile en Seine le 20 septembre dernier. Nous avons eu l'occasion d'échanger avec lui sur le sujet.     

InfoQ FR : Frédéric, pourriez-vous vous presenter ?

Frédéric Rivain : Je suis le CTO de Dashlane. Nous développons un gestionnaire de mots de passe, qui vous simplifie la vie sur internet de façon sécurisée sur tout type de plate-forme (iOs, Android, Mac, Windows…). J’encadre une équipe d’une quarantaine d’ingénieurs. Nous sommes une startup franco-américaine, avec 2 bureaux : un à Paris (Product & Engineering), l’autre à New York (Sales & Marketing).

Pour résumer mon parcours avant Dashlane, je suis passé par IBM, Visiware (jeu vidéo) ou encore Betclic (paris et jeux en ligne). 

InfoQ FR : Qu'est-ce qui vous a décidé à déployer le principe des OKR chez DashLane ?

Frédéric : En 2016, nous étions en pleine réflexion sur la meilleure façon de gérer la revue de performance. Nous n’étions pas complètement satisfaits de la façon dont étaient définis les objectifs de chaque employé Dashlane. Nous sommes alors tombés assez naturellement sur toute la littérature autour des OKR, comme framework de gestion des objectifs et de la performance.

En creusant le sujet, nous avons également été très attirés par les propositions de Felipe Castro, un coach agile brésilien spécialisé dans les OKR, qui aborde les OKR comme un outil de la boîte à outils agile pour gérer la stratégie d’entreprise et ses déclinaisons tactiques au sein des équipes agile.

Nous avons finalement décidé de mettre en oeuvre les OKR au niveau des équipes, et pas au niveau individuel pour commencer.  

InfoQ FR : DashLane reste une entreprise relativement jeune et aujourd'hui agile. Quelles ont été les grandes étapes de votre évolution ?

Frédéric : Nous avons eu une approche assez itérative, évoluant notre organisation et nos pratiques, au fil de la croissance de Dashlane.

Classiquement, la première étape a été le passage aux méthodologies agile en 2014. L’entreprise est partie en Scrum, classique, très « by the book ».  La grande force de Dashlane lors de cette mise en œuvre a été d’embarquer l’ensemble de l’entreprise au passage agile, pas uniquement les équipes de production.

Fin 2015, nous avons complété la gestion opérationnelle en agile par une vision plus haut niveau, tactique, de l’organisation, en introduisant un process de gestion de roadmap avec 2 outils :

- Un portfolio de projets, regroupant l’ensemble des projets de Dashlane. Tout est rassemblé dans un board Jira et nous donne à tout instant une vision globale de la production.

- Une roadmap trimestrielle : chaque équipe définit pour le trimestre à venir les projets à réaliser. Cette page Confluence est liée dynamiquement au portfolio et permet de s’assurer de l’alignement et de la coordination des équipes. L’ensemble du process s’appuie aussi sur des concepts Lean et Kanban : viser à réduire le Cycle Time, limiter le nombre de projets en parallèle. Nous avons détaillé la gestion de portefeuille dans un billet.

Les deux étapes suivantes ont été l’introduction des OKR à l’automne 2016, suivie en 2017 d’une grosse réorganisation et du passage en Feature Teams.  

InfoQ FR : Pourriez-vous revenir sur les grandes étapes de cette mise en oeuvre ?

Frédéric : Pour déployer les OKR, nous nous sommes faits accompagner par Felipe Castro, qui est venu former les équipes et qui a coaché nos champions OKR en interne. Nous aurions peut-être pu faire sans, mais a posteriori je pense que c’était la bonne approche, car même si la théorie des OKR est simple, la mise en pratique est loin d’être évidente.

Après la phase de formation, nous avons fait un cycle « pour du beurre ». Nous étions déjà au milieu du trimestre, mais nous avons demandé aux équipes d’essayer de définir des OKR pour leur trimestre en cours, pour apprendre. Nous avons désigné 2 champions OKR à Paris, 2 à New York, ainsi qu’un sponsor au niveau de l’équipe de direction pour aider et accompagner les équipes.

Fin 2016, nous avons travaillé sur les OKR d’entreprise pour 2017. Puis nous avons lancé le premier véritable cycle trimestriel d’OKR pour Q1 2017. Il faut comprendre que les OKR sont très liés à la roadmap. Il a donc fallu adapter notre process de roadmap pour intégrer la définition des OKR en amont du choix des projets.

Parmi les fondamentaux nécessaires aux OKR, un incontournable est la capacité à mesurer et suivre l’évolution des métriques (KR) dans le temps. Nous avons donc investi du temps pour mettre en place les tableaux de mesure adéquats pour suivre les OKR de chaque équipe. Nous abordons maintenant notre quatrième cycle pour définir nos OKR pour Q4 2017.  

InfoQ FR : Quelles ont été les points d'amélioration suite à cette introduction ?

Frédéric : Le passage aux OKR est un véritable changement d’approche et d’état d’esprit, en particulier pour les équipes de développement. On passe d’une performance associée à la livraison de projets et de nouvelles fonctionnalités, à une performance orientée business, où chaque équipe agile doit comprendre comment elle génère un impact positif sur son périmètre business.

C’est difficile mais bénéfique pour tous. Livrer un projet n’est plus suffisant, il faut que ce projet ait un impact. Les équipes doivent donc accélérer, livrer des itérations plus petites, parfois faire preuve de créativité pour expérimenter et tester à moindre coût.

Les OKR forcent aussi les équipes à mesurer plus et mieux. Dashlane était déjà une organisation très data-driven, mais les OKR nous ont forcé à passer au niveau supérieur.

Enfin, cela pousse l’organisation globalement à passer à une approche beaucoup plus bottom-up, où l’équipe définit ses propres OKR et sa roadmap. On sort d’une approche exclusivement imposée par le management.  

InfoQ FR : Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de ces premières étapes ?

Frédéric : Elles ont été nombreuses. Comme je l’ai dit, la mise en place des OKR est complexe.  Nous avons par exemple eu tendance à définir trop d’OKR par équipe, ce qui dispersait l’effort des équipes. Il vaut mieux en avoir moins avec un meilleur focus.

Ou bien des KR bien trop ambitieux, voire même des OKR peu adaptés à la réalité de la roadmap de l’équipe. Cela a pu engendrer de la frustration dans les équipes qui ne voyaient aucun progrès associé à certains OKR. Une autre erreur était liée au choix de KR uniquement orienté business. Nous avons été trop puriste dans notre approche initiale. Il faut se donner la souplesse de pouvoir choisir des KR techniques ou des KR d’apprentissage, selon le stade de développement d’un projet. 

Dernière difficulté : vouloir à tout prix coller des OKR associés à tous les projets de l’équipe. Ce n’est pas réaliste et pas utile. Evidemment les OKR doivent être l’enjeu principal de l’équipe sur le trimestre, mais certains projets devront être réalisés en plus qui ne sont pas directement associés aux OKR de l’équipe.

InfoQ FR : Quels sont vos prochains axes d'amélioration dans l'usage des OKR ?

Frédéric : Progressivement les équipes apprennent de leurs erreurs, et apprennent à mieux définir et s’approprier leurs OKR, pour les rendre encore plus pertinents et efficaces. Elles gagnent en maturité et en pratique. Il faut continuer à travailler sur les fondamentaux qui soutiennent les OKR :

- Technique : accélération du process de release, usage d’outils tels que feature-flipping ou moteur de test A/B.

- Produit : apprendre à définir des fonctionnalités livrables itérativement. Innover et être créatif pour tester et expérimenter rapidement.

- Data : continuer à renforcer notre structure de métriques.

En fin d’année, nous allons aussi aborder notre second cycle d’OKR d’entreprise annuels. Cela va être un exercice intéressant, qui s’appuiera sur notre apprentissage de l’année passée.

InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent utiliser des OKR, par où leur conseillez-vous de commencer ?

Frédéric : Avant toute chose, il faut s’assurer d’avoir les pré requis en place, ou du moins déjà assez matures : capacité des équipes de développement à livrer régulièrement et rapidement, des équipes produit qui ont une vision et une pratique adaptée (définition de MVP/skateboard, expérimentation, test utilisateur…), et enfin une culture de la mesure. Sans cela, les OKR vont être compliqués à mettre en œuvre.

Ensuite, commencer petit : peu d’Objectifs associés à peu de Key Results. Pour une équipe agile, ma suggestion est 1 ou 2 associés à 2 à 5 KR maximum. Ne pas être trop puriste, se donner de la souplesse sur le type de KR. Par contre, il faut que ce soit une métrique « mesurable ». Eviter si possible un KR associé à un jalon de livraison, car cela fait retomber dans une approche projet.

Enfin, être patient car cela prend du temps. Adapter, retoucher selon les besoins. Il est tout à fait acceptable de décider d’abandonner un KR en cours de trimestre si l’équipe se rend compte qu’il n’était pas pertinent ou mesurable.

En conclusion, la mise en place des OKR a été une étape de notre voyage agile. Elle nous a donné une nouvelle carte de décision et de gestion de la stratégie pour Dashlane. Elle a changé assez profondément notre culture et ce n’est que le début du chemin.

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