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La Voix du Coach - Grégory Alexandre

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La voix du Coach

A l'heure du digital et de l'Agile à l'échelle de l'entreprise, les offres pour accompagner les équipes et organisations dans ces mutations se multiplient, et la transition reste toujours délicate et longue. Pour démêler les discours, InfoQ FR propose un panorama hétéroclite de ces accompagnants de l'agilité, souvent appelés "coachs", pour donner une voix à ce "métier", et aussi un visage, des pratiques, des modes d'agir dans les organisations.

Cette série propose la vision de coachs français sur leur définition du coaching, leur parcours, leurs réussites et échecs, ainsi que des conseils et éléments de réflexion actuels.

Grégory Alexandre

Coach agile sur Lyon, il accompagne les personnes, les équipes et les entreprises dans la découverte et la maîtrise de l'écosystème "Agile". Il participe également à l'organisation de l'association Club Agile Rhône Alpes Lyon "CARA Lyon" et co-organise la conférence annuelle Mix-IT. Animateur gaucher, Grégory préfère les ciseaux, manier les mots et proposer des ateliers où les autres écrivent.

 

InfoQ FR : Pourriez-vous vous présenter et expliquer à nos lecteurs votre définition de votre métier ?

Grégory Alexandre : Je suis ce qu'on appelle un "Coach agile", terme plus commercial que descriptif. Je suis un mélange de sachant et d'accompagnateur. En tant que sachant, je transmets ce que je sais et ce que je fais pour faire monter en compétence les équipes avec lesquelles je travaille. Je forme, j'explique, je déchiffre et défriche avec elles.

En tant qu'accompagnateur, je leur fournis des cadres leur permettant d'imaginer et créer les meilleurs produits possibles, puis de les construire avec un maximum de performance et de plaisir, en s'appuyant sur l'intelligence individuelle et surtout collective. Je crée des espaces et des processus de réflexion. Ce qui est généré dans cet espace appartient au groupe et pas à moi.

J'accompagne aussi les personnes individuellement, sur leur rôle, sur le posture mais aussi pour n'importe quelle difficulté qu'elles rencontrent dans leur quotidien professionnel.

InfoQ FR : Pourriez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a mené à votre pratique actuelle ?

Grégory Alexandre : Comme beaucoup de personnes qui gravitent dans l'agilité, tout commence pour moi dans le logiciel et particulièrement dans le développement logiciel dans les années 2000. J'ai travaillé dans des environnements startups qui m'ont donné la liberté de penser ma compétence de développeur mais aussi mon rôle dans la réussite ou l'échec d'une entreprise, objectif pour moi : mettre mes compétences au service du client et de l'utilisateur.

J'ai découvert l'agilité en 2008, en entrant dans la société CLT-Services, fondée par Damien Thouvenin (auprès de qui j'ai beaucoup appris) et Ludovic Charlot. Je suis d'ailleurs toujours dans cette société mais elle s'appelle désormais Goood!. Entré comme développeur, je me suis dirigé vers un rôle fonctionnel. Étant donné la maturité des entreprises à cette époque, trouver un rôle fonctionnel dans l'agilité lorsque vous êtes développeur m'a pris beaucoup de temps et a nécessité quelques chemins de traverse qui m'ont permis d'étoffer mon panel d’expériences.

Une fois devenu ce que je souhaitais être, je me suis découvert une passion pour le partage de connaissances, de compétences, pour la pédagogie et ai basculé dans l'accompagnement, ce que je fais aujourd'hui.

Récemment, j'ai co-créé 1CUBE&GO avec Romain Couturier et Alfred Almendra(https://www.infoq.com/fr/articles/la-voix-du-coach-alfred-almendra) qui ouvre une nouvelle voie vers la découverte et la maîtrise de pratiques agiles.

InfoQ FR : Concrètement, comment se traduit votre métier au quotidien ? Qu'est-ce que vous faites ?

Grégory Alexandre : Mon métier au quotidien peut prendre diverses formes. La plus récurrente consiste à accompagner des équipes lancées dans un projet agile. En fonction de leur niveau de maturité et d'autonomie, je peux aller d'une posture d'expert où je distille de la théorie et où je montre comment faire à une posture miroir où j'aide les équipiers à trouver leurs propres solutions. Je participe à leurs réunions, je passe du temps dans leur espace de travail, j'organise des ateliers de découverte, de prise de conscience ou de réflexion sur leurs problématiques.

Je fais aussi beaucoup d'accompagnement autour du produit en utilisant des concepts tels que le Lean Startup, le Design Thinking et l'UX Design. Dans ce cadre là, j'aide les entreprises, qu'elles soient startups ou multinationales, à penser ou repenser leurs utilisateurs puis leurs produits en fonction. Cela nécessite d'utiliser beaucoup de jeux de créativité et de réflexion (j'adore ça), mais aussi de les accompagner dans leur posture et leur changement d'état d'esprit. Par exemple, ces démarches portent une philosophie de résultat à moindre coût, de tests rapides et peu coûteux. Eviter d'engager beaucoup de moyens pour un résultat inadapté. Amener des entreprises à faire des minuscules pas quand elles ont l'habitude de courir le plus vite possible n'est pas toujours évident.

Pour être très honnête avec vous, je passe aussi pas mal de temps à faire de la communication. Notre métier s'appuie beaucoup sur notre notoriété, notre réseau, le bouche à oreille mais aussi sur notre référencement et notamment sur internet. Il est important pour moi de rendre visible ce que je sais et ce que je fais afin de me rendre visible auprès d'entreprises qui ne gravitent pas dans les mêmes réseaux que moi et qui souhaiteraient être accompagnées. Pour ça, je passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux et je blogue un peu, ce qui permet en plus de créer du contenu pour la communauté.

Le reste de mes journées, je prépare mes formations et ateliers que j'améliore continuellement.

En dehors du travail, j'anime la communauté lyonnaise au sein du CARA Lyon. Je co-anime par exemple l'Agile Playground Lyon avec Hervé Tran et le PODOJO Lyon avec Alfred Almendra.

InfoQ FR : Quelles sont vos sources d’inspiration et de formation ?

Grégory Alexandre : Je dirais que mon courant de pensée est celui de Socrate : "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien" (ça fait toujours bien de balancer de grandes références dans une interview non ?). J'ai pris l'habitude de remettre mon cerveau à zéro, régulièrement, et de repenser ce que je sais pour maintenir un haut degré de critique sur ce que je fais.

Je me vois plutôt comme un expérimental plus qu'un théoricien, j’apprends principalement de ce que je rencontre du terrain et la plupart de mon savoir provient de mon expérience. J'aime challenger régulièrement tout ça auprès de mes pairs et de la communauté. Pour les nouveautés, j'apprends plus d'un atelier que d'une conférence et lorsque je découvre un concept, une pratique, une posture, je cherche rapidement un atelier pour vivre l'expérience. S'il n'existe pas, je cherche comment le créer.

Mes sources d'inspirations proviennent de mes collègues, de ce qu'ils vivent, de ce qu'ils partagent, de ce qu'on échange. C'est la raison principale qui fait que je suis toujours dans la même entreprise depuis tant d'années, c'est l'espace d'échange qui s'y trouve. Depuis peu, j'ai l'occasion de travailler étroitement avec Romain Couturier et Alfred Almendra qui ne font pas partie de mon entreprise. De mon point de vue, c'est une réelle chance de pouvoir se permettre ce type de collaboration.

InfoQ FR : Pour vous, quelle est la partie la plus intéressante de ce que vous faites ?

Grégory Alexandre : Ce que je trouve intéressant dans ce que je fais, c'est justement ce changement continuel de pratique. Aucune semaine ne ressemble à la précédente.

Je prends beaucoup de plaisir dans le design et la mise en place d'ateliers de réflexion et de créativité en individuel ou en groupe. Tout d'abord parce que j'aime faire sortir les gens de leur cadre habituel. Dans les domaines que j'accompagne, les personnes font très peu de dessin et encore moins de collage, de Lego. C'est quand même sympa de travailler en entreprise et d'acheter son matériel dans les magasins de jouet (je suis un grand gamin).

Ensuite parce que c'est un cadre qui a besoin du ou des participants pour avancer et j'aime cette interaction.

InfoQ FR : A l'inverse, qu'est-ce qui vous paraît compliqué dans la posture du coach ?

Grégory Alexandre : La posture de coach. Non pas qu'à l'inverse, elle ne soit pas intéressante, elle me semble simplement plus délicate.

Je ne suis pas coach à proprement parler, je n'ai pas de diplôme, je n'ai pas suivi un parcours particulier. J'ai eu une excellente formation courte, par Véronique Messager, qui me permet aujourd'hui d'utiliser des techniques de coachs dans mon quotidien d'accompagnateur. Je travaille beaucoup ma posture pour me rapprocher de celle d'un coach quand j'estime que j'aurai plus d'impact à ne pas répondre à une question posée mais à aider mon ou mes interlocuteurs à répondre à leur propre question.

C'est tout le côté schizophrénique de la profession. Je veux garder une posture de coach mais je détiens un savoir que les autres n'ont pas et qui me pousse à prendre une posture d'expert/consultant. En face, la personne attend des réponses quand moi j'ai envie de lui donner des moyens et donc de lui poser des questions. Cela peut créer un dialogue de sourd très frustrant et désagréable pour le coaché. Tout l'art est dans l'équilibre de ces deux postures et des fois, on peut tomber.

InfoQ FR : Quelles sont vos plus belles réussites en tant que coach ?

Grégory Alexandre : L'une des plus marquantes fût d'engendrer l'arrêt d'un projet de startup (on fait mieux comme réussite...). Plus sérieusement, le fait de faire travailler l'entreprise sur leurs utilisateurs et leur produit leur a fait prendre conscience d'un manque de maturité. Ils ont préféré temporiser plutôt que de dépenser de fortes sommes pour un produit totalement incertain.

Autre anecdote : j'ai eu l'occasion de faire du coaching de coach. Un jour, mon coaché m'a dit que mon travail ne lui avait pas seulement apporté au niveau professionnel mais aussi et surtout au niveau personnel. C'était mon dernier jour dans l'entreprise. C'est probablement le plus beau retour qu'on m’ait jamais fait.

InfoQ FR : Quels sont vos plus criants échecs ? Qu'en avez-vous appris ?

Grégory Alexandre : Celui qui me reste en mémoire est l'un de mes premiers accompagnements. Je n'ai pas réussi à entrer en connexion avec l'équipe avec laquelle je devais travailler. Pire, je n'ai pas encore trouvé comment j'aurais pu faire différemment dans ce même contexte. Avais-je mal initié l'accompagnement ? Mon cadre de coaching était-il trop flou, peu explicite pour les coachés ? L'équipe avait-elle envie d'être coachée ? Peut être tout ça, peut être rien de tout ça. Cela dit, depuis cette expérience, je fais en sorte de clarifier le plus possible qui je suis, ce que je suis et ne suis pas et le cadre de mon intervention. Je valide que le coaché ou les coachés adhèrent et sont impliqués et évidemment, ça marche beaucoup mieux.

Au même moment que cette expérience difficile, je travaillais aussi avec une autre équipe de la même entreprise avec qui ça fonctionnait bien. Belle montée en compétence, volonté d'apprendre et d'être challengée sur ses acquis, volonté de prendre le contrôle de son cadre tout en étant vigilante sur les impacts. Cela a confirmé, pour moi, que chaque équipe est différente. Dans son mode de fonctionnement bien sûr, mais aussi dans son interaction avec le coach.

InfoQ FR : Comment percevez-vous le déploiement de l'Agile dans les organisations françaises ?

Grégory Alexandre : L'agilité est en plein essor, les conférences sont pleines, les communautés se multiplient et bénéficient d'un réel engouement partout en France. On remarque tout de même des disparités en fonction des régions et du type d'industries présentes. On aura beau dire, l'agilité telle que nous la pratiquons provient de l'informatique et les bassins plus industriels mettent plus de temps à trouver leur voie au travers de pratiques agiles. Mais ça avance.

Quoiqu'il en soit, l'agilité est devenue incontournable, aujourd'hui, dans le milieu informatique. Non pas qu'elle soit devenue indispensable (je me garderai bien de l'assurer) mais chaque entreprise, chaque personne a entendu parler de l'agilité ou a une idée de ce que c'est. Malheureusement, l'agilité est aussi devenu un terme à la mode pour beaucoup et le choix de partir vers l'agilité est devenu, pour certaines entreprises, un moyen de communication plus qu'une envie de transformation. Vous avez donc un message qui est "nous devons être agiles !" (ce qui a évidemment peu de sens) et derrière, aucune vision, pas d'alignement et des équipes tiraillées entre cette injonction et leur réalité opérationnelle.

Maintenant, avons-nous atteint un haut niveau de maturité ? Je ne pense pas. Nous avons longtemps débroussaillé l'agilité, le lean, le kanban, nous avons découvert l'agilité par le jeu, nous avons eu des retours d'expériences d'équipes qui ont appliqué leurs démarches, plus récemment nous avons vu émerger le Lean Startup d'Eric Ries, le Scaling Agile, Management 3.0 de Jurgen Appelo, l'"Entreprise Libérée" d'Isaac Getz ou "Reinventing Organizations" de Frédéric Laloux, le Design Thinking, la facilitation graphique... La communauté agile est une population qui cherche systématiquement de nouvelles choses, de nouvelles connaissances, de nouvelles pratiques en cohérence avec les valeurs humaines portées par l'"agilité".

En parallèle, on observe actuellement un besoin de revenir aux fondamentaux car la recherche systématique de nouveauté a perdu ceux qui souhaitaient tout simplement comprendre les bases. Notamment pour ceux dont la direction leur a demandé "d'être agiles !".

InfoQ FR : Comment analysez-vous le développement du coaching agile sur les dernières années ?

Grégory Alexandre : Déjà, le coach agile est devenu un métier. Même si je souhaiterais me présenter comme accompagnateur, me présenter comme "Coach Agile" parlera probablement à plus de monde (et il sera plus facile de trouver une entreprise à accompagner).

L'offre en coaching agile a explosé ces dernières années, la démocratisation d'événements et de communautés a suscité des vocations et nous sommes désormais très nombreux avec des typologies différentes : indépendants, consultants, coachs certifiés et des postures, des pratiques différentes. Si le coach agile était avant tout un expert de son domaine, on voit de plus en plus de coachs avec une forte sensibilité pour l'humain où l'étude de l'individu et du groupe passe avant toute mise en place de pratiques agiles, quitte d'ailleurs à ne plus parler d'agilité.

L'ouverture à de nouvelles pratiques a rendu plus complexes les contours de la profession. En tant que coach agile, je forme et accompagne en Lean Startup et ne parle pas d'agilité. Si je fais de l'accompagnement en holacratie, en Management 3.0, le fais-je en tant que coach agile ? Et donc finalement qu'est-ce qu'un coach agile et qu'est-ce que l'agilité, qui suis-je, ou vais-je et dans quel état j'erre. Je pense qu'il y a plein de manières de traiter ça et qu'il y a autant de visions de ce qu'est le coach agile qu'il y a de coachs agiles. Cela crée des débats très enrichissants. Tiens, ça me fait penser que j'aimerais voir plus de tables rondes sur ces sujets de fond lors d'événements communautaires.

InfoQ FR : Si nos lecteurs veulent se lancer, par où leur conseilleriez-vous de commencer ?

Grégory Alexandre : Le premier conseil que je pourrais donner serait de toujours rester dans une posture d'ouverture et d'amélioration continue, car c'est un métier où l'on apprend continuellement, des équipes, des personnes, de ses succès et de ses erreurs, de ses pairs...

Ensuite, de manière plus pragmatique, de tester sa posture, sa manière d'animer un groupe. Animer un jeu agile lors d'une conférence ou d' un événement local par exemple. Personnellement, j'ai découvert que j'aimais ce job, que j'aimais transmettre, animer, faire émerger... en animant des jeux à l'Agile Play Ground Paris.

InfoQ FR : Quelles sont les tendances qui vous ont étonné récemment et que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?

Grégory Alexandre : Alors paradoxalement, la tendance qui m'a le plus étonné récemment a été le besoin de revenir aux fondamentaux, de reposer les bases, d'identifier les dérives et restructurer mon apprentissage.

Maintenant, le dernier concept que j'ai intégré est le Design Thinking qui n'est pas tout neuf mais qui a le vent en poupe en ce moment. Je fais en sorte d'en tirer les valeurs et principes pour accompagner des entreprises dans leur création de produit. J'allie ça avec un soupçon de Lean Startup, une pincée de Stratégie Océan Bleu, de la poudre d'UX Design et beaucoup d'humain.

Je recommande l'atelier de l'Institute of Design at Stanford qui permet de bien comprendre ce qu'est le Design Thinking. Je remercie d'ailleurs chaleureusement Guillaume Duquesnay pour le partage.

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