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Red Hat et CentOS joignent leurs forces

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Red Hat a créé la surprise en annonçant conjointement avec CentOS qu'ils allaient unir leurs forces. Red Hat est avant tout connu pour son produit phare, Enterprise Linux. Le modèle économique est basé sur un abonnement qui donne accès aux mises à jour du système, avec des garanties de stabilité pour toute la durée de vie d'une version majeure. Enterprise Linux est une solution libre, mais pas gratuite. Si on coupe son abonnement, Enterprise Linux fonctionnera toujours, mais en contrepartie on perd l'accès aux correctifs et mises à jour de sécurité.

En tant que solution libre, il est donc possible de modifier et redistribuer Enterprise Linux. Il existe donc plusieurs clones gratuits, dont CentOS. Ce dernier est souvent vu comme la solution pour échapper aux coûts de licences et utiliser un système de qualité équivalente. Red Hat a donc créé la surprise en voulant assurer la pérennité de CentOS, là où beaucoup se seraient plutôt attendus à des mesures pour endiguer le phénomène des "clones gratuits".

InfoQ FR a rencontré à cette occasion quatre membres des communautés CentOS et Fedora.

InfoQ FR : Bonjour, et merci à vous de répondre à nos questions. Pouvez-vous commencer par vous présenter ?

Michael Scherer : Bonjour, je m'appelle Michael Scherer. Le jour, je travaille comme Administrateur système chez Red hat, basé et en charge du bureau de Paris entre autres choses, et la nuit, je suis Membre de la communauté Fedora, et Contributeur occasionnel sur les projets au gré de mes envies.

Fabian Arrotin : Bonjour, je m'appelle Fabian Arrotin. Je suis actuellement Sysadmin, Membre du projet CentOS depuis quelques années, et Membre du Governing Board depuis quelques semaines. Mes participations au projet CentOS incluent la gestion de l'infrastructure, j'appartiens à l'équipe d'assurance qualité, et un peu de tout, quand le besoin s'en fait sentir.

Tru Huynh : Bonjour, je m'appelle Tru Huynh. Le jour, je travaille comme Administrateur système à l'Institut Pasteur (Paris 15ème) depuis 2000. Je participe au projet CentOS depuis la version 3.3 x86_64... Mes centres d'intérêts : HPC (High Performance Computing), le cloud (déploiement) et ce qui va avec, NAS, FreeIPA, les systèmes de fichiers distribués.

Haïkel Guémar : Bonjour, je m'appelle Haïkel Guémar. Je suis Contributeur fedoraproject.org depuis bientôt 8 ans. Je m'intéresse ces derniers temps au Cloud Computing dans le cadre du Cloud SIG (Special Interest Group) de Fedora. Sinon, je travaille en tant que Développeur senior dans une startup spécialisée dans le HPC.

Je suis également un des premiers Membres de l'Association Borsalinux-Fr (anciennement Fedora-Fr) qui regroupe les contributeurs et utilisateurs Francophones de Fedora Linux. Borsalinux-fr gère le site fedora-fr.org qui sert de plateforme d'échanges pour la communauté Francophone.

InfoQ FR : Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet CentOS ? En quoi cela consiste ?

FA : Le projet CentOS recompile les SRPMS (ndlr les sources des paquets maintenus par Red Hat) de la distribution Red Hat Enterprise Linux (RHEL), et publie le tout en format "distribution" autonome de manière libre. Cela permet à tout le monde d'utiliser une distribution Linux qui recevra des mises à jour pendant toute la durée de vie de celle-ci. Pour information, cela veut dire 10 ans. Par contre, il s'agit d'une version "construite par la communauté, et pour la communauté", donc il n'y a aucune garantie/SLA attachées à la distribution ni à la rapidité avec laquelle celles-ci seront distribuées. De nouveau, pour information, on se situe entre 12 et 24 heures pour les mises à jour (après publication des sources par Red Hat, via leur site FTP) et environ 2 semaines pour une nouvelle version mineure (par exemple, passage de la version 6.4 à la version 6.5).

N'étant pas soumis non plus à des contraintes de support (puisqu'il n'y en a pas), cela veut dire que l'on peut aussi collaborer avec toutes sortes de projets dans la communauté. Par exemple, RHEL 6 n'a pas de support Xen disponible (au niveau de l'hyperviseur), mais il existe le dépôt Xen4CentOS qui lui permet cette fonctionnalité pour CentOS 6. Il en sera de même pour les autres projets avec lesquels nous allons collaborer plus activement (Openstack/RDO, Glusterfs, oVirt, pour ne citer que ceux-là).

InfoQ FR : Pouvez vous nous expliquer brièvement le fonctionnement de Fedora ?

MS : Le fonctionnement de Fedora est assez simple pour le moment, les gens se rassemblent pour produire une distribution Linux. Cela implique des activités diverses comme "faire des paquets", "faire de la doc", "présenter le logiciel", "corriger les soucis", "tester les choses". C'est de la production logicielle assez classique, mais faite sur internet au sein d'une communauté. En fait, je ne pense pas avoir l'espace suffisant pour détailler tout l'état de l'art en termes de création logicielle.

Du point de vue de la gouvernance, c'est assez facile, les différents groupes sont globalement autonomes, suivant leurs propres règles qui ont été mises en place depuis des années. Pour les questions plus pointues, aussi bien techniques qu'organisationnelles, divers comités sont formés et prennent des décisions quand il y a des choix à faire. Par exemple, les nouveautés importantes avec un gros impact passent devant le FESCO (FEdora Steering COmitee) qui va juger le plan techniquement et l'approuver ou non. Les membres du FESCO sont élus par les contributeurs et se réunissent régulièrement sur IRC pour tenir des réunions, mais la plupart du temps, les choses sont beaucoup plus simples et les gens sont en autonomie. Par exemple, je ne demande à personne si je veux aller faire une présentation de Fedora dans un LUG, je ne demande à personne si je veux tester un paquet.

HG : fedoraproject.org, c'est la rencontre entre une communauté (feu fedora.us) et une société Red Hat visant à créer un écosystème communautaire dont la mission est de faire avancer la cause du logiciel libre et notamment d'un point de vue technique. Le support de cet écosystème étant une distribution GNU/Linux permettant d'intégrer et de faire évoluer les technologies issues du logiciel libre.

La communauté gagne un support financier, légal et humain (Red Hat paie des gens pour travailler dans Fedora), Red Hat, base innovante pour développer une gamme de produits.

Depuis Fedora 7, fedoraproject.org est un projet avec une gouvernance effective 100% communautaire, les aspects techniques sont gérés par le FESCO qui est un corps entièrement élu par les contributeurs.

L'actuelle Fedora Project Leader (Robyn Bergeron), est certes employée par Red Hat, mais joue un rôle de trésorier et représente les intérêts de la communauté au sein de Red Hat.

Il y a aussi le Board Fedora, mais il a une utilité plus que réduite.

InfoQ FR : Y'a-t-il des changements immédiats visibles pour les utilisateurs du côté de CentOS ?

FA : Je dirais, pour rassurer les utilisateurs CentOS, que rien ne change directement. Par contre, dans le futur, certains nouveaux projets verront le jour, ce qui "ajoutera" des possibilités aux utilisateurs (voir notamment la réponse sur la collaboration avec les autres projets). Dans un premier temps, le changement le plus visible (outre le nouveau site internet), est l'apparition du serveur git.centos.org. Petit à petit, ce serveur git contiendra toutes les sources utilisées pour construire la distribution CentOS, ainsi que les outils pour le faire. Je pense notamment aux fichiers de configuration mock utilisés pour la version en cours de préparation, à savoir CentOS 7 (beta).

Cela veut aussi dire que nous allons de plus en plus ouvrir le processus de construction et intéragir avec la communauté. Par exemple, tout le monde peut suivre l'état d'avancement de cette version, et cela en toute transparence.

HG : Les trolls ?

Plus sérieusement, la réorganisation de la communauté sur un modèle assez proche de Fedora, d'ailleurs, ne devrait pas impacter les utilisateurs. En revanche, une gouvernance plus "ouverte" devrait même bénéficier à la communauté.

InfoQ FR: Où se positionne Fedora désormais pour Red Hat ?

MS : Fedora se positionne toujours au même endroit, pour plusieurs raisons. Premièrement, même si Red Hat paye l'infrastructure et certains frais pour Fedora, ça reste quand même la communauté qui décide au final, ne serait-ce que par le fait de contribuer ou non au projet. Deuxièmement, les besoins qui ont abouti à la création de Fedora (ie avoir un espace d'innovation pour la communauté) sont toujours présents. Pour prendre l'exemple d'un sous-système spécifique comme le noyau Linux, il est toujours dans l'intérêt de tous (Red Hat en tant qu'entité mère de RHEL, tout comme les libristes en général) d'avoir un endroit où les dernières versions sont disponibles, pour avoir des retours rapides, des tests, pour que les projets qui se basent sur le noyau puissent avancer au même rythme.

Donc Fedora reste toujours un endroit pour l'innovation de tous, même si Red Hat reste la boite qui met le plus de ressources dedans.

HG : Pourquoi changer un partenariat qui a fait ses preuves tant pour la communauté que pour Red Hat ? Pas de changements à prévoir, le sponsoring de CentOS renforce même l'indépendance de Fedora, Red Hat gagne un nouveau partenaire communautaire pour s'intéresser aux besoins d'entreprises.

D'un point de vue business, Fedora est le département R&D qui va explorer de nouvelles pistes, les porter à maturité. CentOS est le département produit, qui à partir de cette base, va offrir un produit fini et assurer un service de qualité sur une base plus stable.

En tant que contributeur Fedora, je salue le courage de mes collègues de CentOS pour assurer un support sur une période aussi longue !

InfoQ FR: Dans le portfolio du Projet Fedora on trouve également EPEL. En quoi cela consiste, et a-t-il toujours autant d'intérêt suite au rapprochement ?

MS : Le projet EPEL est un dépôt de paquets supplémentaires pour les distributions dérivées de RHEL (et RHEL aussi), maintenu par la communauté, utilisant l'infrastructure de Fedora. Il s'agit par exemple de paquets de Fedora compilés pour RHEL, installables avec yum. Pour le moment, le projet EPEL ne bouge pas, à ce que je sache, même si j'ai lu que des gens proposent divers changements. À titre personnel, je ne sais pas si ça aurait du sens de le déplacer sous la gouverne du projet CentOS ou de le garder au sein de Fedora.

Historiquement, le projet était là pour que l'infrastructure du projet Fedora partage ses paquets avec les autres utilisateurs de RHEL, mais cela est devenu quelque chose de plus grand avec le temps. Cependant, comme rien n'est décidé et que tout est encore en discussion, les choses pourraient changer sous peu, quand les gens impliqués dans la communauté en auront débattu. Et au delà des questions de gouvernance, il faut aussi voir le travail qu'un changement impliquerait, et qui va vouloir le faire.

HG : Aucun changement dans l'immédiat. à titre personnel, même si EPEL est un composant essentiel de l'écosystème Enterprise Linux (RHEL & clones), il a toujours été une pièce rapportée au sein du projet Fedora.

Il est opportun à la lumière du rapprochement entre Red Hat et CentOS, de réfléchir ensemble sur son avenir, pour offrir encore un meilleur service à la communauté.

Mais les possibilités de collaboration entre Fedora et CentOS ne se limitent pas qu'à EPEL, la création de SIG au sein de CentOS ouvre d'autres opportunités, mais il est encore trop tôt pour en parler.

InfoQ FR : CentOS a toujours eu une apparence très austère. L'annonce du rapprochement, arrive en même temps que la rénovation du site. Dans quelle mesure étiez-vous au courant de ce rapprochement avant son annonce ?

TH : Le nouveau site a en effet été lancé pour marquer le rapprochement. Austère ? Oui mais il faut des mains pour le faire... Entre maintenir la distribution et ce qui va avec ou faire un joli site web, nous avions choisi l'OS. La core team de CentOS, c'est cinq personnes, et nous faisons cela pendant les quelques heures de notre temps libre que nous pouvons consacrer au projet ! Heureusement que pour les forums et le wiki (en anglais), des volontaires étaient plus présents. En tant que membre de la core team, j'étais partie prenante de l'accord.

FA : Je rajouterais qu'en effet, il existait déjà un projet de refonte complète de notre site web, mais vu la disponibilité des gens, cela était toujours reporté. Par contre, la première phase du nouveau site nécessitait la migration du forum existant, ce qui a été fait, notamment en utilisant la même plateforme que pour le forum Francophone existant (fr.centos.org).

MS : J'avais bien vu des noms connus passer au sein de la liste des nouveaux arrivants (vu qu'une de mes tâches à titre professionnel est aussi d'accueillir les nouveaux), mais c'est plus un hasard qu'autre chose, je ne savais pas ce qui était prévu et on ne m'a pas demandé mon avis, ni en temps que membre du Board Fedora, ni en temps que sysadmin. mais je ne vois pas vraiment pourquoi on aurait dû.

HG : Non, je ne suis pas dans les petits papiers des grands de ce monde, donc j'ai appris la nouvelle comme vous.

Est-ce que le rapprochement m'a surpris ? Non, c'est un secret de polichinelle que les clones font partie de la politique commerciale de Red Hat, il était intéressant d'assurer l'avenir de CentOS et par conséquent d’accroître le mindshare de l'écosystème RHEL & clones. Je vous recommande la lecture de cette interview de Jim Whitehurst (le CEO de Red Hat) qui encourage même l'existence de ces clones.

Ce serait incomplet de ne pas mentionner que c'est également, la reconnaissance du succès de CentOS qui a réussi à rassembler une communauté solide depuis près de 9 ans, et a réussi le défi d'être plus qu'un simple clone de RHEL. La popularité des CentOS Dojo (rencontres communautaires) est une preuve flagrante de ce succès. Quant au nouveau site, je m'exprimerais en tant que "simple utilisateur", c'est un changement très apprécié !

InfoQ FR : Merci à tous les quatre !

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