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Travailler Ensemble Dans La Même Direction Grâce A L'Obeya

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Points Clés

  • Le panneau Vision, commun à l'Obeya de Produit IT et à l'Obeya de Management de DSI est plus qu'un simple rappel de l'étoile du Nord. Il permet l'alignement de toute l'équipe en respectant les piliers de Toyota Way.
  • La vision démarre de la phase de Vérification (Check) pour construire le plan (Plan) autour d'un processus itératif.
  • L'Obeya est un véritable système de management  de livraison de produits satisfaisant complètement les utilisateurs tout en contribuant à la réussite de la vision.

L’Obeya1  est une démarche éprouvée qui facilite le travail en équipe et l’alignement des activités autour de sept panneaux pour livrer des produits informatiques ou manufacturiers. L’une des principales raisons de son succès réside dans l’accélération de la résolution régulière de bons problèmes en décloisonnant les équipes et aussi dans le support du management. L’objet de cet article est de décrire le rôle essentiel du premier panneau de l’Obeya, dont l’utilisation est trop souvent négligée : la vision. Il explique trois éléments de la vision :

  • La manière de l’élaborer
  • Son appropriation
  • La coordination et le pilotage

Illustrés par quatre exemples, boucle de feedback après l'épreuve du terrain. Il constitue le premier d’une série d’articles consacrés à la pratique de l’Obeya.

 

Comment élaborer la Vision ? Du « Check » au « Plan ».

Pour définir la vision, la direction de l’entreprise Lean se demande généralement :
« Quels problèmes voulons-nous résoudre sur un horizon de trois à cinq ans ?  Que voulons-nous changer pour être encore plus compétitifs ? »

A l’issue de chaque cycle annuel, le manager commence par vérifier si les objectifs stratégiques de l’année précédente sont atteints.  Aussi étrange soit-il, le « Check » du PDCA2 (fig.1, ❶), fondement de l’amélioration continue, constitue le point de départ du futur. La roue du PDCA tourne sans fin.

En s’appuyant, par exemple, sur l’analyse de SWOT3, le manager se demande alors : « quelles sont nos faiblesses ? Quelles sont les menaces ? Quelles sont nos opportunités ?» sans oublier de se référer aussi à ses forces.

Dans sa quête perpétuelle de Kaizen4, le décideur Lean, aguerri au Hansei5(fig.1,❷), réfléchit ensuite profondément à ses activités, aux écueils antérieurs et en tire les enseignements. Le Hansei est une attitude couramment adoptée dans la culture japonaise. Cette pratique s’inscrit aussi dans la phase rétrospective « Act » du PDCA afin d’éviter qu’un problème ne réapparaisse. Comme présentée dans la troisième partie (fig.5) de cet article, la boucle d’apprentissage « bottom-up » du Hoshin Kanri6 permet alors aux collaborateurs de soumettre leurs idées d’amélioration et de voir certaines d’entre elles alimenter les objectifs et parfois même la vision de l’entreprise (fig.1,❸).

Exemple #1 :Comment la Vision et les challenges IT Europe et Afrique chez TFS7 se créent chaque année en deux jours ? 

En 2007, Edmond participe à son premier « workshop IT » de deux jours réunissant les directeurs des SI d’Europe et d’Afrique de TFS. L’objectif se résume ainsi : « Effective IT and Business Alignment -Execution : IT contribution to TFSC’s 8 strategic objectives ». La vision, c’est l’idéal et les challenges en donnent la mesure.

L’agenda mentionne : « it is quite clear that there is an increased focus on IT throughout Toyota, not just TFS. This provides us with a tremendous opportunity to work together to find even more effective ways of delivering business solutions that will make a real difference. ». L’IT joue un rôle croissant dans la réussite des objectifs stratégiques d’une entreprise. Il est conseillé d’explorer plusieurs alternatives et de mettre la priorité la plus haute sur les axes stratégiques IT qui réduisent le plus l’écart avec les objectifs stratégiques.

Vingt-et-une présentations et cinq ateliers se succèdent pour établir la vision de TFS pour l’année. A titre d’exemple, l’un des groupes réfléchit à : «que livrera l’IT à la trésorerie en respect des huit objectifs stratégiques de TFS?».

Globalement, c’est le standard décrit ci-dessus (fig.1) qui est appliqué pour décliner la vision en objectifs stratégiques IT sur chaque entité de TFS. L’important pour une équipe est de travailler ensemble dans la même direction.

La ligne directrice est : « challenge, speed and unity of purpose » ! Cela ne vous rappelle rien ? Ce sont quelques-unes des valeurs profondes du Toyota Way.

 

Comment les équipes s’approprient-elles les challenges ? S’engager dans la voie du « Do » du PDCA par l’Obeya

 

Le management visuel se situe au niveau des fondations de la maison TPS8 et son utilisation permet de couvrir toutes les sections de celle-ci.

La puissance du management visuel pour une équipe réside principalement dans la définition et la coordination autour de mêmes priorités transverses : le partage de mêmes sujets, l’alignement des collaborateurs autour d’un « dictionnaire commun ». Cela se concrétise dans l’Obeya comme suit :

Exemple #2 : allons à la découverte du management visuel en accompagnant un nouvel arrivant chez TMC 9

En 2000, Reynald entre pour la première fois dans l’univers industriel de Toyota et dans une usine du groupe. La priorité la plus élevée du management est la sécurité des personnes, l’arche de la sécurité en matérialise le symbole visuel.

Sa visite commence par une initiation aux principes et aux objectifs de la sécurité.

Ensuite il rentre dans l’aire de communication ou l’Obeya de l’usine. L’ensemble des activités de l’entreprise sont visibles.

L’affichage de la Mission/Vision clarifie le niveau d’amélioration à atteindre, le statut présent et la date à laquelle les collaborateurs doivent avoir amélioré la valeur des produits et services générés par les processus à moyen et long terme.

Cette vision reprend l’historique des réalisations des années précédentes et les objectifs à atteindre dans les années futures.

Ses interlocuteurs lui expliquent que cette vision, support de la mission de l’entreprise, s’élabore à partir :

  • du benchmark, véritable ensemble d’activités qui permettent de découvrir et de comprendre « ce que sont des résultats excellents et quels processus conduisent à ces résultats »
  • et du plan de réflexion des années précédentes.

Il a découvert le management visuel dans cette aire de communication ou Obeya.

De retour de cette initiation, il met en pratique ce management visuel. Quelles que soient les divisions dans lesquelles il a exercé, il l’a utilisé et diffusé à l’ensemble de ses équipes .

Exemple #3 : comment visualiser un plan de déploiement des objectifs stratégiques appliqués à la section packaging du secteur automobile ? Votre œil averti ne manque pas de noter les codes couleur du (PDCA).

Comment ses objectifs opérationnels contribuent- ils à la vision, à l’amélioration de la valeur pour le client et à la fiabilisation des processus ? Pourquoi son travail est-il important pour l’entreprise ? Par quel mécanisme les personnes à tous les niveaux de l’entreprise se concentrent et s’alignent sur le challenge ?

Selon l’adage de Shigeo Shingo10 : « les personnes ne s’intéressent pas au quoi jusqu’à ce qu’elles comprennent le pourquoi. ». Reconnecter les DEV et la Direction, voilà l’un des objectifs du panneau vision.

C’est l’articulation entre la vision, d’une part, et les objectifs opérationnels, d’autre part, qui donne du sens à l’engagement et à la responsabilisation des collaborateurs pour agir.

Le Hoshin Kanri11 est la discipline créant l’alignement des activités sur les objectifs collectifs ou individuels, et sur la vision.  L’Obeya rend possible la visualisation du Hoshin Kanri et crée l’environnement collaboratif propice au partage efficace et transverse des problèmes. Le Nemawashi12 en Obeya accélère les décisions du processus Ringi13.

Fig. 5 : établissement, déploiement et revue du Hoshin de Hoshin

Par le mécanisme en cascade du Hoshin Kanri, les employés peuvent proposer leurs idées d’amélioration et les meilleures propositions sont alors retenues.

Si l’avancement est visualisé, il est facilement partagé entre collaborateurs et managers. Les décideurs valident les moyens pour que les collaborateurs réussissent leurs actions d’amélioration.

Afficher clairement la vision de l’entreprise, coconstruire les objectifs et leurs liens avec les axes stratégiques aident chaque collaborateur à comprendre le sens de son activité.

Exemple #4 : déclinaison de la vision d’un projet informatique d’industrialisation de la mise en production («automatic continuous deployment») de 253 applications informatiques.

L’approche réunit les collaborateurs et les managers autour de la vision de cette entreprise dont l’un des axes est : « Feel good : le bien être pour tous les collaborateurs ».

Le manager a quantifié l’objectif : « Faire 100 % des déploiements uniquement les jours ouvrés d’ici la fin de l’année ».

  • « Quelle est la situation aujourd’hui ? »

« Seul un déploiement sur dix-neuf est réalisé un jour de semaine et les dix-huit autres le sont le week-end. »

L’équipe réfléchit, s’implique et se coordonne :

  • « Qu’est ce qui nous empêche de déployer un jour de semaine ? »

« Les temps des déploiements manuels sont actuellement compris entre 45 mn et 4 heures. »

  • « Quelle serait le temps idéal de passage en production ? Pourquoi ? »

L’équipe se fixe un objectif opérationnel :

« 100% des déploiements en production informatique seront réalisés de bout en bout en moins de 30 mn de 12h30 à 13h00 et en semaine ».  En cas de problème, un « roll-back » en 30 mn sera lancé. Le client interne présent le valide.

L’équipe débute son passage d’une vision « corporate » à une vision « produits et services ».

3) Quel pilotage pour réussir ? Revenir au « Check » du PDCA.

Ensuite, piloter cette vision stratégique est un enjeu majeur pour garder chaque collaborateur focalisé sur le Hoshin.

La conduite de cette stratégie et la revue des progrès réalisés se déclinent suivant deux modes de fonctionnement :

  • Le pilotage des activités au quotidien
  • Le pilotage des résultats hebdomadaires, d’un sprint et mensuels.

Le pilotage du plan stratégique s’effectue principalement par l’examen des indicateurs de résultats et des indicateurs d’activités. L’atteinte des objectifs de la vision est mesurée par les indicateurs de résultats :  Sécurité , Satisfaction client, Qualité , Production , Ressources Humaines , Finances ,…

Fig. 7 : indicateurs de résultats

Voici quelques exemples issus d’une Obeya de management : part de marché, chiffre d’affaire, taux de satisfaction client, taux d’efficacité opérationnelle, taux d’accident… Les « Chief Officers » animent les revues mensuelles, le « Check » du PDCA généralement planifiées le premier jeudi du mois pour les revues « Usine ». Elles consistent à analyser les résultats et les contributions des différentes activités à la Vision et de décider les orientations ou/et investissements nécessaires dans l’Obeya de management.

Conclusions

A l’aide de l’Obeya, une équipe Lean réalise pas à pas des produits « Whouuaa », et par la même, participe à la concrétisation de la vision d’entreprise.

Comme développée précédemment, chacune des trois étapes, l’élaboration, l’appropriation et le pilotage de la vision s’appuie aussi sur les deux principes fondamentaux du Toyota Way :

  • Le « Respect for people » 
  • L’amélioration continue.

La philosophie Toyota figurée dans la maison du Toyota Way, concourt largement à la réussite d’une Obeya. Les exemples réussis d’Obeya conduisent à classer synthétiquement ces corrélations majeures dans la maison du Toyota Way  (Fig.10):  

La qualité d’une revue des objectifs à chaque niveau de l’entreprise repose sur l’intrication de deux systèmes de management indissociables l’un de l’autre :  le Toyota Way et l’Obeya.

A propos des auteurs

Edmond Nguyen est coach Lean IT & associé chez Operae Partners. Au sein de l’Institut Lean France, il lance en 2016 l’Académie Lean Informatique » réunissant DSI, responsables de production, chefs de projets, développeurs, PO pour comprendre et appliquer sur le terrain la démarche Lean au développement de produit ou à la production informatique.

Il accompagne les directions et les équipes projets informatiques dans la mise en place et l’utilisation d’Obeya afin de livrer les bons produits IT et digitaux à temps, dans le budget et au niveau de qualité attendue. Grâce à sa solide expérience en qualité de DSI au Japon et en France, en particulier chez Toyota Financial Services, Edmond réussit à combiner avec succès le meilleur du Lean IT, de l’Agile et du DevSecOps dans une approche efficiente de développement produit au service de l’utilisateur.

Reynald Debaut-Henocque est expert des organisations Manufacturing dans leur conduite et leur démarche d’amélioration.

De 1981 à 1999, il s’est forgé un parcours de Directeur Qualité chez les équipementiers accompagnant la Révolution des procédures qualité chez les OEM. Son expérience s’est construite non seulement avec les constructeurs européens mais également Nord-Américains .En 1993, Il met en œuvre la branche Amélioration continue ou progrès en Europe du groupe BTR.

En 1999, il rejoint le groupe Toyota comme Directeur Qualité et réussit à obtenir le 1° Awards Warranty lors du lancement de la Yaris « made in France ». Il élargit son horizon Manufacturing en occupant les postes de Directeur Production puis Supply Chain et participe à la réussite d’un site industriel qui relève le défi de produire des véhicules du segment B en France, plus de 3 millions en 20 ans. En tant que Vice-Président de Production, il prépare le site à produire 3 millions de véhicules en 10 ans .

 


1 Obeya : mot japonais 大部屋 signifiant grande salle, nouveau type de management visuel créé par Takeshi Uchiyamada, Chief engineer de la  Toyota Prius. Elle est constituée de 7 panneaux dont le premier est la vision.

2 PDCA : méthode scientifique de résolution de problèmes (Plan, Do, Check, Act) employée dans la démarche Lean.

3 Matrice de SWOT : « Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats » permet de développer une stratégie.

4 Kaizen : mot japonais 改善 pensée novatrice visant à améliorer continuellement le fonctionnement des opérations.

5 Hansei : mot japonais 反省 signifiant réflexion profonde sur soi et mes activités antérieures afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs.

6 Hoshin Kanri : mot japonais 方針管理, un processus de management « top-down » et « bottom-up » qui aligne l’organisation fonctionnelle et les activités sur les objectifs stratégiques.

7 TFS : Toyota Financial Services

8 TPS : Toyota Production System ou Système de production Toyota formalisé par Taiichi Ohno

9 TMC : Toyota Motor Corporation

10 Shingo sensei , consultant ayant travaillé avec Taichi Ohno dans le développement du TPS

11 Hoshin Kanri : pilotage des objectifs d’une entreprise combinant un processus top-down permettant à la direction de déployer sa stratégie et un processus bottom-up permettant aux collaborateurs de proposer des idées d’amélioration et de les intégrer dans les objectifs de l’organisation à travers un processus de Nemawashi.

12 Nemawashi : mot japonais しemployé quand un arbre est transplanté avec ses racines entourées de suffisamment de terre pour qu’il survive plus facilement. De cette image est né le processus Lean : expliquer une idée à chaque partie prenante indispensable de sorte qu’elle puisse être implémentée avec le support des interlocuteurs.

13 Ringi : mot japonais 稟議 décision d’investissement prise après un processus de Nemawashi et souvent visualisé sous forme de A3

 

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