Chez InfoQ FR, nous essayons de rester à la pointe de ce qui se fait en termes IT et culture, et parfois nous nous faisons dépasser. C'est ainsi que nous avions raté #Play14. #Play14 fait partie des "unconference" un peu comme ALE, dans le sens où il n'y a pas de programme défini, et qui avec trois ans d'existence finit par être un concept comme les Agile Tour avec une présence en Italie, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Roumanie et peut-être bientôt en Espagne.
Yann Gensollen, co-créateur de #Play14, a rédigé un retour sur ces trois dernières années. A cette occasion, et avec la tenue de #Play14 Luxembourg du 23 au 25 mars 2017, nous avons pu échanger avec lui sur le non programme de Luxembourg 2017, le déroulement d'un #Play14, les non têtes d'affiche, l'origine du concept et la philosophie défendue, son développement, ce qu'en retirent les participants.
InfoQ FR : Dans votre article, vous expliquez que l'ambition de #Play14 était de construire une conférence "au format Open Space sur les outils de facilitation et les jeux d'apprentissage". Qu'est-ce qui pour vous fait l'importance d'un tel concept ?
Yann Gensollen : Cédric, Pierre et moi sommes des convaincus de longue date du pouvoir du jeu en situation d'apprentissage. En effet, le jeu comme métaphore est largement utilisé dans les transformations agiles car le changement ne peut pas se faire que de manière raisonnée, mais surtout de manière sensible. Vivre le changement au travers du jeu est un bon moyen d'amener les personnes à accepter le changement qu'on leur propose.
Forts de ce constat, nous avons très vite eu l'ambition d'ouvrir ce potentiel au plus grand nombre. Et quoi de mieux qu'un événement fonctionnant lui-même sur de l'intelligence collective et de l'enrichissement de pair à pair pour arriver à nos fins ?
C'est comme cela que #play14 est né, et que le format utilisé est l'Open Space.
InfoQ FR : Une non conférence est toujours compliquée à expliquer pour ceux qui n'y sont pas allés. Une conférence #Play14, d'un point de vue participant ça se déroule comment ?
Yann Gensollen : Comme je le disais plus haut, la conférence est basée sur un échange de pair à pair. C'est pour cela qu'il n'y a pas de programme à l'avance. Cela met également tous les participants sur un pied d'égalité : il n'y a pas de clivage orateur/auditoire.
La méthodologie Open Space est très claire de ce point de vue-là. Voici deux de ses principes qui illustrent très bien l'état d'esprit de la conférence :
- Les personnes présentes sont les bonnes personnes.
- Ce qui arrive est la seule chose qui pouvait arriver.
Qu'il soit une personne ressource qui vient proposer du contenu au groupe, ou qu'il soit une personne en écoute, chacun des participants est le bienvenu. D'ailleurs, la plupart des participants alternent entre ces deux postures, celle du nourrisseur, et celle du nourri.
Il n'y a d'ailleurs pas que ces deux postures qui soient valorisées dans un Open Space. Il y a aussi les "papillons" et les "abeilles" :
- Les papillons se tiennent à l'écart et n'ont pas l'air de trop se mêler aux actvités. On les retrouve généralement dans l'espace détente. Pour nous, ils ont une grande valeur car ils ont généralement une vue d'ensemble, un recul que les autres personnes n'ont pas.
- Les abeilles vont de sessions en sessions, et de groupes en groupes. Leur attitude est d'une grande valeur également, car ces abeilles essaiment les idées et pollinisent les autres participants.
Je sais, ça fait un peu bizarre de parler comme ça, mais le fait d'autoriser officiellement les participants à se comporter comme ils le souhaitent permet vraiment de détendre tout le monde et n'oblige personne à "sur-jouer".
Ce qui m'amène à la Loi des Deux Pieds, que l'on pourrait reformuler par "Vote avec tes pieds". Vous voyez où je veux en venir ? Si j'ai choisi de participer à une session, mais qu'au cours de celle-ci je me rends compte que je n'apprends rien, ou que le sujet finalement ne m'intéresse pas, la Loi des Deux Pieds m'autorise à quitter la salle et rejoindre une autre session. Et c'est bien comme ça. Notre temps est bien trop précieux pour perdre son temps dans une session qui ne nous apporte rien, ou pour laquelle nous n'apportons rien.
InfoQ FR : Après une conférence de ce type, qu'est-ce qu'en retirent les participants ?
Yann Gensollen : Certains de nos participants sont devenus des spécialistes de l'utilisation des jeux en milieu professionnel.
D'une manière générale, les participants en repartent plus sûrs d'eux dans un contexte de travail de groupe. Ils sont également plus à même de mettre en oeuvre dans leur propre contexte les jeux qu'ils ont pu expérimenter durant la conférence.
Pour les managers, c'est une formidable opportunité de développer leurs "soft skills", ces fameuses qualités de savoir-être dont on entend tant parler.
Les uns et les autres peuvent également développer leur réseau : le fait qu'il n'y ait pas de clivage orateur/auditoire abolit les barrières invisibles entre les personnes présentes, et les moments off et les temps de convivialité ne manquent pas pour échanger !
InfoQ FR : Etant donné les sujets discutés, une telle conférence est-elle vraiment destinée à tous, ou plutôt à des profils particuliers ?
Yann Gensollen : Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas exclusivement réservé aux coachs !
Toute personne qui serait amenée à animer une réunion dans son cadre professionnel peut tirer bénéfice de l'expérience qu'elle aura acquis lors d'un #play14.
InfoQ FR : La technologie Open Space est très puissante, elle requiert par contre une certaine bienveillance et besoin d'ouverture pour fonctionner. Quel est le résultat sur trois jours de conférences ?
Yann Gensollen : Pour les nouveaux venus, prendre un billet pour #play14 équivaut tout de même à un (petit) saut dans le vide. Le courage et le lâcher prise dont ils doivent faire preuve est comme un rite de passage : s'ils n'en sont pas capables, ils ne seront pas non plus capables de l'ouverture à la nouveauté qu'implique un tel format de conférence.
Il s'opère donc un tri implicite, et c'est ce filtre naturel qui nous permet d'assurer un fort niveau de bienveillance au sein des personnes présentes.
InfoQ FR : Le concept de #Play14 se diffuse à travers toute l'Europe. Pourriez-vous nous raconter l'essaimage du concept et les développements à venir ?
Yann Gensollen : L'essaimage du concept est pour nous une belle récompense, complètement inattendue ! En créant #play14 au Luxembourg, nous pensions être suffisamment centraux pour que les gens se déplacent vers nous. Ce qui a très bien fonctionné finalement. Mais ce que nous n'avions pas du tout anticipé, c'est que ces personnes venues des quatre coins de l'Europe repartiraient avec le concept dans leurs valises et voudraient le reproduire dans leur pays !
L'édition de Londres a ouvert le bal dès notre deuxième année d'existence, et Milan et Hambourg ont suivi l'an dernier, pour notre troisième année d'existence.
L'édition de Timisoara 2017 aura finalement mis deux ans à se concrétiser. Elle est planifiée pour juillet. La billetterie est déjà ouverte.
Et, toujours pour 2017, nous sommes en train de caler deux éditions en Espagne : l'une à Madrid, et l'autre à Barcelone. Et peut-être même qu'un jour nous aurons une édition à Paris, qui sait ?
InfoQ FR : Yann, c'est la quatrième édition de #Play14 Luxembourg. Même s'il n'y a pas de "key speakers" sur une non conférence, quels sont les temps forts prévus pour cette édition et qui sont les personnalités ayant prévu de venir ?
Yann Gensollen : Si vous venez à #play14 Luxembourg, le premier temps fort est que nous allons nous rencontrer !
Blague à part, et sans trop vouloir en faire, nous avons quelques inscrits plus connus que d'autres. Je pense particulièrement à Elisabeth Grimaud, qui a sorti récemment le livre "Beau, bien, bon", et qui utilise le jeu dans ses séminaires d'entraînement cérébral.
Je pense également à Kent Beck, actuellement en Europe, qui, si vous ne le connaissez pas encore, est l'un des signataires de l'Agile Manifesto, et l'auteur de plusieurs livres sur l'Exteme Programming et le Test Driven Development.
InfoQ FR : Si je veux venir à #Play14 Luxembourg, que me faut-il savoir ? Reste-t-il de la place ?
Yann Gensollen : La conférence a lieu au coeur du quartier de Belval, une friche industrielle en reconquête, dans les locaux du Technoport à la déco à la fois super moderne et très chaleureuse.
Il reste effectivement des places. Il n'y a d'ailleurs pas de limite d'inscrits. Nous nous engageons à accueillir tout le monde, et nous y sommes préparés depuis la première édition en 2014 ! Nous sommes agiles !