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Lecture : Ce Que Le Sport M'a Appris d'Agile

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L'agilité se retrouve partout aujourd'hui, et malgré les plus de vingt ans d'existence, la compréhension de l'état d'esprit agile peine toujours dans les organisations comme le soulignait Martin Fowler dans son "State of Agile 2018". Les ouvrages sur le sujet sont légions et peu sont aidants si vous n'êtes pas développeurs ou plongé dans la technique. L'initiative de Thierry Cros sur le sujet est un pas sur ce chemin, tout comme la tentative en cours de Christophe Keromen.

Après Le petit guide de management lean à l’usage des équipes agiles et l'agile rocket guide, Christophe nous propose une initiation à l'agilité par la métaphore sportive avec Ce que le sport m'a appris sur l'agilité. Ce livre accessible à tous est construit autour de 15 exemples sportifs personnels et des leçons associées. L'auteur revisite la philosophie agile sans le vocabulaire technique et avec beaucoup de bon sens, avec des expériences passées, des exemples venant de grands sportifs :

  • En citant Rafaël Nadal, il nous rappelle que _Perfect is a verb_,
  • Le kayak est un cas pratique où pour garder l'équilibre, il faut être attentif au feedback,
  • Dans notre époque de l'efficacité et de l'occupation à temps plein, le volley-ball montre qu'il faut savoir ne rien faire pour être utile à l'équipe.

Chacune de ces leçons est à réinvestir personnellement, et sont autant d'occasions de se remémorer des exemples personnels pour projeter ce qu'ils mettent en lumière sur l'agilité.

Christophe Keromen a accepté d'échanger avec InfoQ France sur son ouvrage.

InfoQ Fr : Avec les milliers de références sur le sujet, pourquoi écrire un nouveau livre sur l'agilité ?

Keromen : Des milliers de référence sur quel sujet ? 🙂 Il y a moins de livres sur l’agilité que sur ce que j’appelle l’Agile-IT, l'application au développement logiciel des valeurs et principes décrits dans le manifeste agile de 2001. C'est donc plutôt un livre sur l'agilité que sur l'agile-IT. Tu me diras, alors c’est quoi l’agilité ?

Je peux donner plusieurs éléments de réponse :

  1. comme je le mentionne dans mon introduction, l’adjectif "agile" a été appliqué aux entreprises au moins dès 1991 (Rick Dove et Roger N Nagel : 21st Century Manufacturing Enterprise Strategy) et dans un contexte non IT,
  2. Si on applique à l’agilité le principe d’optimisation globale, une démarche circonscrite au développement logiciel peut être considérée comme une optimisation locale. On peut la voir comme une survie d’une vision analytique. Deming a dit : "95 % des performances d'un système viennent de la conception du système et non des capacités des personnes qui travaillent dans le système". Dans quel mesure l’agile-IT transforme-t-elle le système ? Se réduit-elle à une approche élevée au niveau de l'équipe de la recherche classique de performance individuelle ? Et donc encore une fois reflet d'une vision traditionnelle de la performance, non systémique.
  3. La distinction proposée dans un autre article d’InfoQ - j’en suis lecteur assidu 😉- par Sunil Mundra (principal consultant at ThoughtWorks

"agile is essentially a set of four values as stated in the Agile Manifesto and 12 principles, supported by underlying methodologies, with the primary focus on improving effectiveness of software delivery. Agility, on the other hand, is an attribute which can be applied to an enterprise. In the context of the enterprise, it is the ability of the enterprise to not only deal with fast paced change in the external environment, but also leverage change to create competitive advantage."

Donc, ce livre traite plus d’agilité que d’Agile-IT, même si je fais régulièrement des liens avec le manifeste agile. Et mon questionnement est : comment parler d’agilité sans faire systématiquement référence au développement logiciel ? Comment partager les concepts, les valeurs, les principes, les pratiques ?

Peut-on parler d’agilité sans parler de Scrum ? (c’est le titre d’une conférence que je prépare en ce moment). Ça me dérange qu’on ne puisse envisager l’agilité sans enchaîner immédiatement avec "qui sera le Product Owner ? Le métier ou la DSI ?" Et hop, on est reparti dans le non-changement, la pensée traditionnelle, les luttes politiques.

L’angle choisi par ce petit ouvrage est d’aller rechercher des métaphores dans le sport parce que je crois que ça peut permettre à plein de gens de se dire : "ah oui, ça me parle, finalement cette agilité, c'est pas qu'un truc de geeks". Ça résonne avec ce que dit Arie Van Bennekum : "Agile is something that you are by nature". J’avais envie d’une autre manière d’aborder l’agilité, plus ludique, plus légère…

Et puis, je vieillis, alors le sport c’est comme d’autres choses, j’en fais moins, donc j’en parle plus :-)

InfoQ Fr : A qui s'adresse ce livre ?

Keromen : Comme je le disais juste avant à…"plein de gens" en fait tous ceux qui ne sont pas coach agiles, Scrum Master, Product Owner ou SAFe Practitioner. Je pense qu’il en reste quand même un peu, malgré le succès de Scrum et SAFe ! C’est le livre à offrir à votre beau-frère si vous souhaitez entamer une discussion sur l’agilité , ou pour aborder une personne en soirée : baby, sais-tu ce que le sport m’a appris d’agile ? :-)

InfoQ Fr : Tu as fait le choix de la métaphore sportive. Quel rôle lui fais-tu jouer ?

Keromen : En fait, mon parcours, les difficultés, mes apprentissages, m’amènent à coupler "lean-agile" et systémique. Je ne suis ni le premier, ni le dernier à chercher dans ce domaine. Un des composants de la systémique est le constructivisme qui dit, en gros, que la réalité indépendante de l’observateur nous est inaccessible. Comme le dit Burrati, nous décrivons "un réel augmenté de notre subjectivité". Si nous ne pouvons changer ce réel, nous pouvons changer la réalité, c-a-d notre construction subjective. Intervenir sur la carte et non le territoire au sens de Korzybksi. Si l’on considère ce point de vue, devenir plus agile s’effectue par un changement de perception. C’est thinking agile, en complément de Doing agile et being agile. Sans que l’un exclut l’autre. Il y a plusieurs techniques pour cela, le recadrage et la métaphore en font partie. D’où le fait de dédier un livre aux métaphores, avec l’objectif de contribuer à changer la perception (de la performance, du travail, du collectif…).

Ensuite, j’ai eu principalement deux activités/passions en dehors de mon "travail" : sports et théâtre. Il y a quelques années, je me suis dit : mais quel lien entre tout ça ? Quelle histoire unifie ton parcours ? Et j’ai donc travaillé sur deux conférences pour trouver une réponse : "sport et agilité" et "théâtre et agilité".

Il me semble qu’aujourd’hui, il est de plus en plus nécessaire de pouvoir parler d’agilité en dehors de l’IT, donc je me suis dit que ça pouvait contribuer de retravailler ces matériaux. Et j’ai commencé par le sport car ça me parait concerné plus de personnes que le théâtre. Mais j’ai commencé aussi le bouquin sur le théâtre 😉

C’est mon application du principe 12 de l'Agnostic Agile Manifesto "Principle 12: To give to the community as it has given to me"

InfoQ Fr : Récemment, Martin Fowler et Robert C. Martin relançait le débat sur l'agilité oubliée. Comment ton livre s'intégre dans ce périmètre et cette discussion ?

Keromen : Je partage ses trois points :

1) Agile industrial complex (one size fits all) 2) lack of recognition of technical excellence 3) getting rid of software projects

Mais je trouve que ça ne suffit pas. Avec tout le respect que je lui porte, ça me rappelle un peu par moments l'oncle Vania avec son "back to the trees" dans "Pourquoi j’ai mangé mon père" :-)

J’ai déjà je crois commencer à répondre en distinguant Agile-IT et agilité. Les écrits de Steve Denning proposent d’aller plus loin que ça également (Age of Agile).

Si je fais le lien avec ma proposition de l’Agile Rocket, oui, l’excellence opérationnelle est indispensable. C’est l’un des modules, mais un sur 10 ! Oui, on a beaucoup trop promu Scrum et pas assez eXtreme Programming. (le premier livre sur l’agilité que j’ai acheté, c’était XP !). Il faut reconnaître la nécessité du "clean coding". Ma bible dans mes années de développeur était "Code Complete de Steve McConnell".

Maintenant, l’agile-IT seule ne suffit pas. Il y a plein d’autres domaines (management, coopération, motivation, vision….) à travailler pour obtenir une amélioration éco-systémique. C’est ce que la métaphore de l’Agile Rocket essaye de commencer à décrire. Mais il faut aller plus loin. C’est à dire décrire une entreprise qui contribue à l’harmonie de l’ensemble de son écosystème (dont la partie économique n‘est qu’un aspect). Cette dimension manque à la définition de Sunil Mundra ou de Steve Denning (qui est aussi celle de 1991) :

"L’AGILITÉ est la caractéristique qui permet à une organisation de PROSPÉRER dans un environnement de changement constant et imprévisible."

J’ai la profonde conviction de l’intérêt d’adopter une vision plus systémique du travail, de l’entreprise, de l’humain. J’ai commencé un prochain bouquin sur ce sujet "systémique et agilité". Et je suis de plus en plus frappé avec la résonance de cette approche avec la pensée orientale, en particulier chinoise, cf. les écrits de Gerbinet, de Jullien, le livre "le paradoxe du poisson rouge", Marc Halévy, etc. Le bouquin d’après le prochain s'appellera peut-être "Agilité et Tao" 🙂 (je suis en train de lire avec intérêt "la Tao-entreprise" de Laurent Chateau).

InfoQ Fr : Toi qui accompagne des organisations depuis plusieurs années, quel est l'avancement des organisations françaises sur l'agilité ?

Keromen : Je suis incapable de répondre à cette question car :

  • cela pré-suppose qu’il y aurait UN "avancement des organisations françaises", là où la diversité règne
  • je ne suis ni McKinsey, ni HBR, c-a-d que je ne mène pas des études analytiques sur "découvrir les 10 clés des 100 entreprises qui ont réussi l’agilité"
  • je n’ai qu’une toute petite vision due à mes expériences directes ou indirectes (via mes collègues)

Je constate (de manière non exhaustive) différentes choses :

  • une utilisation très répandue du terme "agile", genre "il faut qu’on soit plus agile"
  • une appétence illusoire pour le framework SAFe, après la même illusion pour Scrum
  • certaines entreprises, qui après quelques années d’Agile-IT, se posent la question d’une agilité plus globale, d’abord produit puis au niveau de l’entreprise
  • des initiatives très intéressantes (Simplicity chez l’Oréal, School of Leadership & Agility chez ENGIE, …) ou des discours très murs de certains responsables
    Ex. Serge Magdeleine (Crédit Agricole Technologies & Services) : la révolution digitale (youtube)
  • plein de questionnement sur le monde de l’entreprise (entreprise libérée, application de la permaculture, etc.)

J’essaye de contribuer à ces évolutions à mon petit niveau personnel. Je tente d'apporter une double approche systémique et lean/agile en recherchant une cohérence dans les démarches.

InfoQ Fr : Quand les lecteurs d'InfoQ France pourront lire ton ouvrage et sous quelle forme ?

Keromen : il est disponible sous trois formats :

Et si vous achetez l'édition papier, vous avez la version Kindle offerte. Et pour les lecteurs d'InfoQ Fr, je vous propose le chapitre un du livre

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